La médecine chinoise à la sauce scientifique et occidentale

dans Humeur Phytothérapie chinoise avec 22 commentaires
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Ou la difficulté d’avoir un regard objectif et juste sur un monde inconnu

Un de mes confrères m’a envoyé un article fort étonnant paru dans le Cahier du « Monde » n°20941 du samedi 19 mai 2012. « Médecine chinoise, produit d’exportation » par Paul Benkimoun. Il peut être lu ici : cliquez pour lire.

Ce qui m’étonne toujours ce sont les obligatoires erreurs, mythes et projections qui nourrissent les articles grand public sur la médecine chinoise. Je pense que l’auteur de celui-ci est de bonne foi et objectif. C’est évident. Mais dès le départ ça part mal. Je fermerai les yeux sur le terme « médecine traditionnelle chinoise (mTc) » au lieu de « médecine chinoise » puisque même les professionnels continuent à malheureusement à nommer zhōng yī  中医 avec cette appellation poussiéreuse et erronée des années 70. Mais là où cela se gâte, c’est lorsqu’on nous raconte que la pharmacopée serait issue de l’élite taoïste et l’acupuncture du confucianisme. Que c’est beau ! Je vous assure, c’est beau ! Je suis convaincu de la sincérité de l’auteur, Monsieur Paul Benkimoun, mais ceux qui lui ont soufflés ces âneries sont des ignorants. Soyons tolérants, la médecine chinoise vient à peine de naître chez nous et ceux qui ont eu l’opportunité d’étudier le chinois et la médecine chinoise à la source sont rares. Du coup, fleurissent de nombreux experts en mythologie de la médecine chinoise, pardon, je voulais dire de la médecine traditionnelle chinoise où l’on agglomère pêle-mêle les deux ou trois mots qui font savant ou sérieux quand on évoque la Chine : taoïsme, confucianisme, philosophie, civilisation antique, etc. C’est triste.

La suite m’attriste encore plus, et c’est à cause d’elle que j’écris ce billet de blog. M. Benkimoun donne la parole à l’un des plus éminents spécialistes de la médecine chinoise en Europe, Paul Unschuld. Et c’est vrai que cet expert, peu connu en France, est un grand Monsieur de la médecine chinoise. Malheureusement il dit : « La MTC est une création politique datant des années 1950, dans la foulée de la révolution de 1949 (…) Elle intègre des aspects choisis de la médecine chinoise historique, mais elle est également influencée par la logique et les concepts de la science moderne ». Dit comme ça, on pourrait croire que la médecine chinoise pratiquée en Chine actuellement n’est plus vraiment la médecine chinoise historique mais une déformation scientifique imposé par le complot communiste. Là encore, l’ignorance s’invite dans l’article. Alors remettons les choses à leur place.

D’abord, oui, Paul Unschuld est un grand spécialiste de l’histoire ancienne de la médecine chinoise et surtout du Nán Jīng (Classique des difficultés) et du Nèi Jīng (Classique interne). Je le confirme. Mais il n’est pas praticien, n’a jamais étudié en Chine, n’a jamais vécu en Chine, c’est un chercheur universitaire et il a un énorme apriori sur la médecine chinoise contemporaine basé sur une mauvaise compréhension de l’évolution récente de ce système médical. Comme beaucoup, il pense que c’est le communisme et Mao qui ont modifiés le style de la médecine chinoise. C’est totalement faux. En revanche, ce qui est vrai c’est qu’elle est en partie aujourd’hui influencée par la médecine moderne. Comme je le démontre dans l’article « Le communisme chinois a tué la vraie médecine chinoise (cliquez pour lire) », cette transformation remonte à l’introduction de la médecine occidentale en Chine. Si les rouges jaunes ont réussi à faire quelque chose, c’est éviter la disparition programmée de cet art au début du 20ème siècle. Sans eux, ni Unschuld, ni vous ni moi ne parlerions de médecine chinoise et M. Benkimoun aurait écrit un article sur un tout autre sujet. En outre, ce que ne voit pas Paul Unschuld, c’est qu’à côté d’une médecine chinoise influencée par la médecine occidentale, perdure et même se développe actuellement tout un courant très classique, très traditionnel, très originel de la médecine chinoise, en particulier dans le monde de la pharmacologie. Dire que la « MTC » est une invention moderne issue de la révolution communiste de 49, est incomplet et faux. Il y a sans doute des choses à réformer dans l’enseignement actuel de la médecine chinoise en Chine. J’en conviens. Mais arrêtons de fantasmer, d’imaginer, et de voir la Chine et la médecine chinoise à travers nos projections, nos filtres mentaux. Essayons d’être plus objectif. Pour cela, il faut essayer d’étudier ce peuple, cette culture, cette médecine avec humilité et objectivité.

Autre surprise de cet article est le fait qu’il y aurait eu une décision du gouvernement chinois en 2007 de « dire adieu » à la médecine chinoise historique. Non, non, M. Benkimoun, on vous a roulé dans la farine (de riz) encore une fois. Ce sont les Républicains en 1914 puis en 1929 qui voulurent dire « zài jiàn 再见 » à la médecine chinoise… Ce que souhaitent certains dirigeants chinois c’est que la pharmacologie chinoise trouve sa place dans l’industrie médicamenteuse mondiale. Cela n’implique pas une disparition de la médecine chinoise que vous appelez « historique ».

Plus loin l’article nous dit que la médecine chinoise se base sur l’unité du corps et de l’esprit et sur l’idée que c’est le déséquilibre émotionnel qui nous rend vulnérable aux maladies. Et voilà, Vlan ! Que dire ??? Simplification ? Incomplet ? Etroit ? Lune, sage, doigt, imbécile ? Comment les médecins, les scientifiques peuvent ensuite avoir une tentative de discussion avec les praticiens de médecine chinoise avec une présentation si partielle et erronée de ce système médical ?

Plus loin, la cerise sur la gâteau : l’auteur nous dégote deux chinois qui affirment « la MTC n’est pas assez sûre, et nous devons améliorer le signalement des effets indésirables » et « les médicaments de la MTC sont en général relativement sûrs, avec une faible toxicité, Mais ils ne sont pas les plus sûrs » !!! Lao Zi et Confucius (bin oui se sont les pères de la pharmacopée et de l’acupuncture) doivent se retourner dans leur tombeau ! Oui, la pratique de la pharmacologie chinoise comporte certains risques. Mais rien à voir avec ceux de notre médecine conventionnelle. On ne joue pas dans la même ligue ! A l’inverse de la médecine occidentale la médecine chinoise maîtrise ses remèdes à risque qui sont par ailleurs peu nombreux. M. Benkimoun, tous les jours des patients meurent à cause des médicaments issus de la science, de notre belle médecine moderne. Tous les jours. L’iatrogénie est énorme dans notre approche médicale occidentale. Ce n’est pas du tout le cas avec les plantes chinoises. Encore une fois j’aimerais citer un de mes articles qui évoque des chiffres officiels français sur la iatrogénie de notre médecine scientifique, sérieuse, contrôlée : « La phytothérapie chinoise moderne (cliquez pour lire) ». J’engage à lire le paragraphe « Les traitements chinois sont-ils les ennemis de la médecine moderne ? ». Est-ce que cela veut dire que tout est rose dans le monde de la phytothérapie chinoise ? Bien entendu que non, et nous devons continuer à pousser les fournisseurs chinois à augmenter leur contrôle qualité, de favoriser la culture d’origine biologique, d’être plus transparents quant à l’origine et au processus de culture des produits. Oui, nous devons exiger l’excellence de nos partenaires asiatiques.

Cet article est suivi par un autre intitulé « Les hôpitaux français se piquent à l’acupuncture » par Sandrine Cabut (cliquez ici pour lire). Je ne vais pas relever encore une fois les erreurs et autres aprioris, du genre : le shiatsu est un  massage chinois, le taiji est une gymnastique chinoise, l’acupuncture est vouée à la douleur, au vomissement et à l’obstétrique et basta… Je voudrais simplement dire une chose essentielle. Nous avons tendance et c’est naturel, de voir le monde avec le filtre de notre propre éducation, avec les croyances de notre propre culture. Mais du coup, notre regard sur « l’inconnu » est souvent biaisé si ce n’est complètement erroné. Il est évident que nous n’arriverons pas à saisir ce qu’est réellement l’acupuncture et la médecine chinoise sans faire l’effort de comprendre la culture sous-jacente de ces systèmes médicaux asiatiques. Essayer d’analyser ces derniers à travers la science occidentale est une erreur, une perte de temps, un futur désastre. Les médecins sont les moins bien placés pour parler de la médecine chinoise à cause de leur formation initiale. En outre, leur formation « chinoise », quand ils ont en une, est souvent insuffisante. Aujourd’hui, dans tout le monde Occidental, le dynamisme de la médecine chinoise est presque à 100% porté par des « non-médecins », des professionnels qui ont été formés directement en médecine chinoise. Et je voudrais rappeler que si ces praticiens non-médecins sont des illégaux en France, ils sont tout à fait légaux en Australie, aux USA, au Canada, au Québec chez nos cousins, mais aussi en Europe comme dans les pays Scandinaves, en Suisse, en Allemagne...

Donc, si nous voulons faire progresser ce système médical en France, il va falloir accepter l’idée que de nombreux professionnels « non-médecins » assument la santé d’une part de plus en plus importante de la population française, de manière consciencieuse, appliquée, sûre et efficace. Pas besoin de recherches scientifiques onéreuses pour démontrer que EC 6 (nèi guān 内关) arrête les vomissements ou que V 67 (zhì yīn 至阴) peut aider un bébé à se retourner dans le ventre de sa mère. Que les scientifiques qui ont ce genre de préoccupation, sortent de leur laboratoire, rencontrent le monde réel et discutent avec nous les praticiens de médecine chinoise ainsi que nos patients, qui bien que non remboursés sont fidèles et de plus en plus nombreux. Il existe toute une réalité qui semble complètement éludée : la profession de praticiens de médecine chinoise même si elle n’est pas encore reconnue et règlementée existe déjà dans les faits et c’est avec les représentants de cette corporation qu’il va falloir commencer à parler et voir comment l’intégrer avec pertinence dans le monde de la santé publique…

arkania

21.05.2012 à 06:32 réponse :

Bien du plaisir à lire cet article ... à la fois des deux mondes, c’est à dire sortie volontairement de 22 ans de pratique en tant qu’infirmière hospitalière (fin de carrière en SMUR-URGENCES) pour embrasser la Médecine chinoise , je peux “constater” les résultats et garder (Je pense..) une capacité d’observation basée sur l’expérience. Celle que je cumule en terme de pratique acupuncture est courte mais je la trouve bien convaincante… les personnes qui viennent me voir aussi apparemment!
Je ne suis pas une adepte des longs discours destinés à convaincre (je n’ai pas une âme de meneuse…  sans doute un vieux souvenir de bûcher dont je ne tiens pas trop à renouveler l’expérience), mais je pense qu’il est nécessaire que d’autres s’en fasse un objectif… avec mon amas en vierge, l’unique argument valable est le résultat! et il est bien là!

Christophe

22.05.2012 à 06:00 réponse :

Bonjour Philippe,
As-tu envoyé ce courrier à Mr Benkimoun?
Si ce Mr a suffisamment d’ouverture et d’humilité il pourrait écrire un erratum… ?
D’autre part je suis installé depuis peu en tant que praticien mais j’ai déjà rencontré 2 jeunes médecins généralistes très ouverts avec lesquels je débute un travail de complémentarité et la confiance au vu des résultats s’installe peu à peu.
Cela m’amène à penser que les mentalités évoluent et que nous devons tenter de nous ouvrir également aux médecins et non attendre qu’ils viennent vers nous… ?
Cordialement
Christophe

Bérénice

22.05.2012 à 10:21 réponse :

Cher Philippe,
Je comprends que les erreurs dans ces articles t’irritent. Toutefois, ils sont destinés à M. et Mme Tout-le-Monde et je pense qu’ils ont de ce fait au moins le mérite d’attirer l’attention et de familiariser le lecteur avec la médecine chinoise (ce qui ne justifie nullement les erreurs qu’ils contiennent).
Ainsi, peut-être qu’une personne qui aura lu un de ces articles et qui passera devant un cabinet de médecine chinoise trouvera cela moins « étrange » car il aura lu que tel hôpital effectue, par exemple, une étude sur l’effet de l’acupuncture pour les femmes enceintes… Ce que je veux dire par là, c’est qu’il me semble que les infos contenues dans ces articles sont importantes et en faveur de la médecine chinoise, vues au travers du regard de lecteurs qui ne connaissent peut-être pas ou peu le sujet…
D’autre part, puisque les articles qui paraissent sur la médecine chinoise sont souvent inexacts, pourquoi ne pas proposer aux journaux intéressés de publier régulièrement dans une rubrique, de petits articles simples et justes, au sujet de problèmes de santé rencontrés fréquemment, dans le but de faire connaitre la médecine chinoise et son efficacité ?
Bien cordialement

Licorne

23.05.2012 à 08:34 réponse :

Bonjour à tous,
Je suis plutôt d’accord avec Bérénice, si l’article contient des inexactitudes et des erreurs, il a effectivement le mérite de parler d’un sujet fascinant de plus en plus en vogue et dont on entend dire tout et son contraire. Quel praticien ne s’est pas vu confronté à la question d’un patient ou d’une personne juste un peu curieuse : mais c’est quoi la médecine chinoise ?  ça vient d’où ? ça guérit quoi ? Et il faut répondre en maximum 10 minutes car nous sommes dans une société qui ne prend plus le temps d’écouter. Il est donc hors de question d’entrer dans les détails même si les raccourcis ne sont jamais les meilleurs chemins. Sur ces explications rapides et incomplètes, la personne va greffer de bonne foi ses apriori (même positifs), sans fantasmes, et ses propres connaissances forcément incomplètes. En fait, peu importe. Ce n’est que petit à petit que le public occidental comprendra ce même les praticiens ont du mal à appréhender après des années d’expérience. Soyons humbles et patients. Restons à l’écoute des interrogations de chacun et répondons de notre mieux, chacun à son niveau, selon ses interlocuteurs avec ses connaissances et son honneteté.
Merci Philippe de nous lancer sur des débats toujours très intéressants et constructifs.

Céline Guilbert

23.05.2012 à 03:16 réponse :

Il est vrai qu’on peut se dire “au moins on en parle”. Peut-être que la médecine chinoise arrivera jusqu’aux oreilles de Marisol Touraine…
Mais pour que le public intègre une nouvelle idée, un nouveau métier, une nouvelle discipline, il y a 2 étapes :
1- faire connaître (se faire voir et entendre, le plus possible, donc en quantité)
2- transmettre une image positive (donner des informations, du contenu objectif, donc en qualité)
Et à mon avis ce genre d’article remplit la première étape mais posera problème pour la deuxième. Et une fois qu’une image est installée dans les esprits, il est très difficile voir impossible d’en changer.
Pourquoi ne pas partir directement sur des informations justes ? Faire connaître la médecine chinoise avec des données objectives.
Tout un programme…

Ilaï

24.05.2012 à 10:43 réponse :

Merci à vous, de soulever l’absurdité de cette article qui aura le mérite qu’on se penche sur la question de la compréhension de la médecine chinoise par le grand publique.
Au delà d’un travaille journalistique déplorable, comment rendre accessible la théorie fondamentale sans que notre synthèse soit sujette à controverse. La complexité remarquable de la médecine chinoise en fait sa richesse et il sera toujours erroné que de tenter de l’expliquer en faisant des raccourcis .
Puis vient le problème du dogme intellectuel, du à une éducation occidental, qui crée ces fameux filtres si bien décrit. Je ne sais pas pour chacun de vous, mais il m’a fallu un temps certains pour les dépasser et laisser une autre logique m’ouvrir les portes de la pensée chinoise, malgré ma volonté de comprendre tout tout de suite. Alors imaginons un grand publique qui n’a pas forcément envie de faire cette gymnastique intellectuel…
Je suis praticienne et il me tient à cœur de partager cette connaissance, je le fait chaque jour, certain sont attentifs et curieux, d’autres les yeux écarquillés, au fond je le sent bien pour tous,  ils acceptent ou pas, tel une croyance absurde.
Voilà pourquoi il est important que l’on rende accessible ces théories, cette pensée et conception de l’être, de son environnement,  au grand publique par une information sérieuse et juste. Il est regrettable de constater que les médias font l’opinion publique, malgré tant de contre information. C’est aussi pour cette raison qu’il est déplorable de lire des articles mensonger dans un grand journal.
Derrière ces mots se cache une colère nécessaire contre l’absurdité d’un système qui alimente l’ignorance du plus grand nombre.
confraternellement

Miss A

15.06.2012 à 03:24 réponse :

Bonjour Dr Sionneau
Je suis jeune docteur en biochimie et biologie moléculaire et depuis plusieurs années, je suis passionnée par les médecines dites «traditionnelles » que ce soit de la médecine chinoise ou d’ailleurs. Tout d’abord, je tenais à vous témoigner ma gratitude pour la qualité de votre site et des nombreuses informations que nous y trouvons, j’ai un très grand respect pour vous et pour votre travail… Merci.  Je viens de lire le commentaire que vous avez écrit en réaction à l’article paru dans le Cahier du « Monde » n°20941 du samedi 19 mai 2012 « Médecine chinoise, produit d’exportation » par Paul Benkimoun. Je voulais avoir des informations sur votre opinion au sujet de faire de la recherche scientifique sur les produits de la médecine chinoise (ou d’ailleurs) en Europe et de surcroît dans un laboratoire dit public. Je ne parle pas ici d’étude clinique, mais de tests dans des « tubes à essais » qui permettrai de comprendre comment le produit fonction (mécanisme d’action) et ainsi faire accepter « par a+b » le point de vue occidentale de l’ « efficacité » de la médecine chinoise (j’ai mis des guillemets car l’efficacité est déjà connue). À moins que je me trompe, vous aviez l’air d’être contre car vous avez ecrit : « Pas besoin de recherches scientifiques onéreuses pour démontrer que EC 6 (nèi guān 内关) arrête les vomissements ou que V 67 (zhì yīn 至阴) peut aider un bébé à se retourner dans le ventre de sa mère. Que les scientifiques qui ont ce genre de préoccupation, sortent de leur laboratoire, rencontrent le monde réel et discutent avec nous les praticiens de médecine chinoise ainsi que nos patients ». Étant sur le point de lancer ce type de projet en laboratoire ( je vous rassure je sors souvent de celui-ci et pour voir des amis asiatiques en plus), je souhaiterais avoir votre opinion sur le sujet. Merci pour votre aide. Enfin, je suis tout à fait d’accord qu’il faille faire accepter que de nombreux professionnels « non-médecins » assument la santé d’une part de plus en plus importante de la population française.

Philippe Sionneau

15.06.2012 à 03:36 réponse :

Miss A,

Le problème central est que la science est devenue la nouvelle religion du monde Occidental d’aujourd’hui. Dès que l’on se pose une question, on se tourne vers les scientifiques pour qu’il prouve que l’eau de la mer est bien salée…

Bien entendu que ces recherches sont utiles voire passionnantes, il y en a des milliers qui ont été faites, il suffit de se balader sur PubMed. Mais conditionner notre pratique par l’aval des scientifiques alors que cela fait 2500 ans que la médecine chinoise sauvent des vies ou en tout cas en rend meilleurs de très nombreuses, ça me fatigue !

Donc, faisons des recherches, essayons d’avoir un regard occidental sur la chose chinoise mais arrêtons avec l’obsession scientifique.

Un détail : je ne suis pas docteur, bien que mon diplôme universitaire d’état me permette de pratiquer la médecine dans n’importe quel hôpital en Chine… Le système universitaire chinois est différent du nôtre et nous ne sommes pas obligés d’avoir un doctorat pour pratiquer.

Miss A

15.06.2012 à 04:04 réponse :

Merci pour votre réponse

ShIaTsU-SuD

02.08.2012 à 12:14 réponse :

Bonjour Philippe,
je rebondis sur l’échange que vous avez eu avec Miss A,
le code de déontologie du médecin a été modifié récemment par un rajout qui ne va pas du tout dans le sens d’une “ouverture d’esprit”.
Dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance.

« Compte tenu des données acquises par la science », ce rajout pour nous ne va pas dans le sens d’une complémentarité. Ces quelques mots signent-ils la fin de l’humanisme dans le secteur de la santé ?

Bonne journée
Pierre Amatore

Philippe Sionneau

02.08.2012 à 12:35 réponse :

Pierre,

J’aurais envie de dire que nous sommes dans une période de grands changements, y compris en France. Comme c’est toujours le cas, ceux qui ont le pouvoir, ceux qui tiennent les clés de la maison, vont essayer de ralentir cette évolution. Et en effet, ça ne sera pas facile d’imposer une approche pluridisciplinaire au sein de la santé publique. Mais les esprits de certains médecins, de nos politiques et surtout des patients changent sur ce sujet, il y a une demande de plus en plus importante et l’ensemble va en direction d’une ouverture vers les médecines non-conventionnelles. En Australie, la médecine chinoise fait maintenant partie officiellement du système de santé publique (remboursée par la SS), aux USA, au Canada, les non-médecins pratiquent cet art en toute légalité, en Suisse, en Allemagne, dans tous les pays Scandinaves, c’est la même chose. Il y a une évolution positive vers une ouverture. Ca ne sera pas facile chez nous, pour des raisons culturelles, mais on réussira à imposer ces autres approches de la santé. Car, nous ne sommes pas un peuple plus idiot que les autres.

chantalV

03.08.2012 à 08:30 réponse :

Bonjour à tous
Je viens de lire les échanges sur ce blog. Plusieurs points évoqués par Philippe m’ont intéréssés, en particulier les commentaires concernant la phytothérapie chinoise. J’ai été également interpellée par l’échange avec Miss A et la réflexion sur ce que peut apporter la science occidentale à la “validation” de la médecine chinoise. (j’utilise ici le mot validation volontairement en espérant qu’il vous “énervera” autant que moi grin
Tout d’abord, pour expliquer mon intérêt, il faut que je me présente un peu. Je suis moi-même docteur en biologie humaine, et enseignant-chercheur. Mon compagnon, lui, pratique avec beaucoup de succès la médecine chinoise depuis plus d’un demi-siècle (il a commencé très jeune, enfant, dans le sud de la Chine). J’ai appris moi même un peu avec lui et pratiqué (un peu aussi)sous son contrôle pendant les quelques années où je me suis éloignée du système universitaire et de la recherche scientifique occidentale. Pendant nos dix premières années de vie commune, on m’a souvent demandé dans mon entourage comment je faisais pour faire le lien entre ma formation scientifique et les connaissances qui m’étaient transmise en médecine chinoise. cette question m’a longtemps tourmentée parce qu’en fait, j’ai bien essayé de faire le lien au début, mais j’ai du accepter l’idée au final que c’était impossible, voire même pas souhaitable du tout si je voulais progresser dans ma compréhension de cette médecine et dans mon travail personnel sur la perception de l’énergie. Le système de pensée sous-jacent à la médecine chinoise est très différent du notre et je suis d’accord avec Phillipe; toute tentative de comprendre les bases de la MC à travers le filtre de notre propre modèle biologique et nos théories élaborées par la science occidentale est vouée à l’échec.
alors évidemment, en faisant un immense effort pour faire abstraction de notre formalisme occidental pour décrire la biologie humaine, nous pourrions quand même appliquer la démarche scientifique pour mettre à l’épreuve de l’expérimentation l’efficacité de telle ou telle méthode de la MC. Oui, en théorie, bien sûr. Mais cette fois, on se heurte à un double obstacle. Le premier est d’ordre épistémologique. en tant que chercheur (et là je m’adresse en particulier à Miss A), il faut faire très attention aux questions que l’on pose. Je disais plus haut que je n’aimais pas le mot “valider” Tout simplement parce que cela implique que l’on considère souvent les connaissances et les théories occidentales comme LA référence. Tout autre modèle devra donc confirmer ce que nos propre modèle prédisent. Non? Honnêtement? Or il ne faut pas oublier d’admettre la possibilité que nos propres connaissances soient erronées. C’est la base et l’honneur de la science occidentale en principe de remettre en question ses propres théories régulièrement. D’autre part les connaissances élaborées par les modèles de la MC sont très très anciens; cela ne suffit pas à démontrer leur validité, mais néanmoins, les observations empiriques sur quelques milliers d’années peuvent bien valoir une démonstration par A+B sur un échantillon de quelques dizaines de cas.
Et là, j’en arrive au deuxième obstacle qui n’est pas spécifique à la MC, mais à la médecine tout court. La médecine est devenue “scientifique” en occident depuis très peu de temps et de grands progrès ont été accomplis par le passé grâce aux études de cas; c’est à dire à de l’observation empirique. aujourd’hui encore, l’étude de cas reste un outil majeur pour les médecins. Parce que cela reste l’un des meilleurs moyens de balayer tous les cas possible. Pour une maladie donnée, il y a rarement deux malades parfaitement identiques. L’évolution de la maladie, l’effet du traitement appliqué, tout dépend de tellement de facteurs différents, tant physiologiques que psychologiques, que notre pauvre démarche expérimentale a s’appliquer car l’échantillon homogène est impossible à constituer.
Bref, j’arrête là, car je m’aperçois que je rentre là dans un débat de spécialiste.
Bref, ma conclusion, c’est que s’il ne faut pas renoncer à toute recherche autour de la médecine chinoise, mais il faut avoir conscience que notre formation de scientifique (pour Miss A et cf aussi la remarque de Philippe sur les médecins) nous conditionne et parfois nous aveugle. Il faut également prendre le temps de bien s’interroger sur la pertinence des questions que l’on pose.  Et pour cela il faut d’abord prendre le temps de bien maîtriser le système de pensée qui a donné naissance aux connaissances de la médecine chinoise. Personnellement, après 17 ans d’approche (pas continue il est vrai), je commence à peine à pouvoir me poser les bonnes questions; et encore, j’ai souvent des doutes.
.

Philippe Sionneau

03.08.2012 à 10:11 réponse :

chantalV, tu viens de dire en termes claires et intelligents, ce que je présents, ce que je pense, ce que je constate. Et chapeau pour votre parcours, j’adore !

chantalV

03.08.2012 à 11:06 réponse :

Merci! C’est pas un parcours simple, mais j’en suis assez contente aussi grin
J’en profite pour te féliciter pour ce site remarquable par la quantité d’informations et par tous les échanges qu’il permet.

Bakonu

05.08.2012 à 12:39 réponse :

Bonjour,

Merci pour cet extrait du livre du Prf Liu Lihong, c’est ce genre de réfléxions qui nous poussent à avancer et à continuer d’étudier toujours plus.

chantalV

05.08.2012 à 10:05 réponse :

Un grand merci pour ce texte, très interressant et très instructif. J’ai adoré! Est-ce que tout l’ouvrage du Pr Liu Lihong a été traduit?

David

08.08.2012 à 01:28 réponse :

la traduction anglaise devrait être terminée par Heiner Fruehauf très bientôt.

«As so many other things written about Chinese medicine in Chinese, neither of these books by my colleague Liu Lihong are presently available in English. However, since Sikao zhongyi has become such a flagship text for the renaissance of classical Chinese medicine in China and Southeast Asia, I have recently initiated the project of translating and publishing this book for Western readers. The first step will be publication in English and German (hopefully by the end of 2011). Heiner Fruehauf »

http://www.classicalchinesemedicine.org/2009/04/excerpts-from-sikao-zhongyi/

Trebor

09.08.2012 à 10:17 réponse :

J’ai moi aussi été touché par les deux traductions et mesure de ce fait le fossé qui sépare les deux médecines, scientifique et énergétique chinoise. Au fur et à mesure que je lisais le second article, je sentais un grand manque car je ne voyais pas où était placée l’intériorité dans l’élaboration des cadres théoriques. Mais, quand l’auteur a parlé de l’importance de la respiration embryonnaire qui nous met en contact avec le Ciel - antérieur, pré-natal sous-entend -, afin de comprendre les lois de la nature qui participent à l’élaboration des théories, j’ai été comblé. Ces lois-ci, ne peuvent être retrouvées qu’à l’intérieur de nous. Cette notion n’existe pas dans le monde scientifique, ce qui ne lui fait pas réaliser le manque fondamental de toutes ses productions théoriques. Ce manque fondamental veut dire que tout ce qui n’est pas construit à partir de l’unité ou de la non dualité, celle retrouvée dans le contact intérieur avec le Ciel antérieur, l’est dans la dualité et finit par reproduire l’inverse des effets recherchés en premier. C’est une des premières lois spirituelles de l’humanité, que les inverses sont les mêmes et qu’ils finissent par se manifester alternativement dans le temps. En dehors de toute connexion avec l’unité du Ciel antérieur, tout ce qui a été construit finit par détruire, tous ce qui a été élevé finit par abaisser, tout ce qui a été un succès se transforme en échec, etc… Nous ne le voyons pas car nous sommes aveuglés par l’unilatéralité du pôle dans lequel nous sommes. Ce n’est qu’en “regardant” les deux pôles, non pas comme successifs, temporels, mais comme superposés, existant ensemble et dans le même présent, qu’on intègre cette vision. Et elle ne peut se faire en-dehors de l’éclairage de la lumière non-duelle du yuanshen, la conscience originelle du Ciel antérieur. Regardez maintenant la réalité, non pas de la pensée humaine qui est faite pour déplacer et camoufler, mais du corps des humains, car elle est là l’épreuve de vérité. Beaucoup de maladies anciennes ont certes disparues mais beaucoup d’autres augmentent et de nouvelles apparaissent. Fondamentalement rien n’est résolu, tout est déplacé. A tous les âges, je dis bien à tous les âges, rien ne semble pouvoir arrêter cette dynamique destructrice et c’est normal, car aucun système de pensée extérieure ne peut le faire pour chacun. Il n’y a aucune solution collective aux problèmes fondamentaux de l’humanité, que des réponses individuelles ; il n’y a aucune solution extérieure, que des réponses intérieures. L’état d’enfoncement de l’humanité dans la dualité de sa perception extérieure du monde, ne la rend pas encore prête à l’entendre. La science croît encore qu’elle va trouver les solutions à ces problèmes. Mais la réalité de la destruction de la nature engendrée par cette même science, parallèlement à celle des corps, car ils sont les mêmes, contredit complètement cette croyance. Le premier facteur thérapeutique de la médecine occidentale est l’argent, on ne le dirait pas comme ça, n’est-ce pas ? Toute cette recherche, ses résultats, ses applications, tout cela est basé sur la présence de l’argent. Autrement dit, nous avons confié notre santé, notre vie et notre mort, à l’argent. Mais tout ce qui a un commencement a une fin, ne le savons-nous pas ? Que va-t-il se passer à ce moment-là ? Je n’ai pas besoin de prédire l’avenir, je ne le connais pas, mais je comprends le présent avec un éclairage que les yeux ne peuvent voir et cela me suffit. Qu’en pensent les lecteurs ?

tanuki

13.08.2012 à 09:40 réponse :

la ” scientifisation ” de la MC n’est pas souhaitable !
Pourquoi ? parce la science se base sur plusieurs postulats :
>séparation du l’observateur et de l’observé
>reproductivité du résultat
>objectivité du scientifique

hors la MC est fondée en partie sur des principes opposés :
>il y a interaction entre le praticien et le client ( puisqu’on n’a pas le droit d’avoir des patients )
>on travaille sur des individus par conséquent les résultats ne sont pas reproductibles
> il ne reste rien de l’objectivité des scientifiques ( corrompus par le pouvoir et l’argent )

j’adhère pleinement a cette notion que mentionne philippe plus haut : ” la religion scientifique ” il faut laisser les adorateurs des chiffres à leurs chers tableaux se gausser de leur gaussiènes et s’efforcer de faire correctement notre travail

Trebor

17.08.2012 à 12:54 réponse :

Cher tanuki,
Je ne suis pas d’accord avec vous car toutes les caractéristiques que vous attribuez à la médecine scientifique (MS) trouvent leur équivalent dans la MC, même si ce n’est pas au même niveau. Notamment la prétendue corruption de la MS au pouvoir et à l’argent, comme si elle n’existait pas en MC ! Vous rêvez ! Dès qu’un enseignant à un petite connaissance en MC, il s’en sert pour exercer un pouvoir sur l’autre. Les praticiens généreux et avares, ouverts et repliés sur eux-mêmes, existent dans les deux camps. Quant à la question économique, elle n’est pas dévalorisante. L’argent est le médiateur incontournable de toute transaction de notre monde matérialiste et il en clarifie la relation.
Enfin, j’aimerai bien que vous m’expliquiez cette phrase qui me semble obscure « il y a interaction entre le praticien et le client ( puisqu’on n’a pas le droit d’avoir des patients ) ».

Trebor

17.08.2012 à 01:03 réponse :

Je voudrais maintenant rebondir sur la phrase de chantalV : « Il faut également prendre le temps de bien s’interroger sur la pertinence des questions que l’on pose. ». Cette phrase, qui me paraît incontournable, m’a touché droit eu cœur. Mais peut être, chantalV, qu’il n’y a aucune question à se poser et que nous devrions accepter que chaque médecine évolue chacune de son côté pour le bien des patients, sans chercher constamment à les comparer pour les dévaloriser, ce qui est stérile. Avant d’aller plus loin dans ce que j’ai à dire, qu’en pensez-vous ?

loreas

30.08.2012 à 05:56 réponse :

Merci Trebor pour ce commentaire du 9/08/12 que je partage complètement et qui met l’accent sur une loi spirituelle de l’humanité incontournable ... J’adhère aussi à l’idée que l’évolution ne peut venir que de l’intérieur . Il ne s’agit pas de résoudre tous les problèmes, d’ériger des vérités intellectuelles ou de légiférer ... Même s’il est nécessaire de créer des repères de fonctionnement, chacun a la responsabilité intime d’écrire la suite de l’histoire de l’humanité en prenant soin de soi et de la libre circulation de l’énergie dans son corps .... entre autre avec l’aide de la médecine chinoise qui remplit bien sa fonction.

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