Quand la médecine chinoise devient de l’Art - Partie 1

Dans Phytothérapie chinoise

Par Nicolas Berger

Assez de théories ! Il est grand temps que la médecine chinoise avance de manière concrète et pragmatique, afin que nous devenions de meilleurs thérapeutes. Combien de discussions éthérées avons-nous sur les réseaux sociaux, avec des argumentaires savants visant à démontrer la supériorité présumée d’une pratique sur une autre ? Dans cette course à l’information et à l’intellectualité débordante, il nous faut trouver des modèles pragmatiques. Le thérapeute en médecine chinoise n’a pas pour vocation première d’être érudit ou chercheur, mais simplement de répondre au mieux, dans la clinique, aux maux de ses patients.

En acupuncture, j’ai trouvé ce pragmatisme grâce à un système spécifique. En pharmacopée, c’est auprès de maîtres de la lignée du Dr Hú Xīshù (胡希恕) que j’ai découvert une méthode, un système qui, sans prétendre être supérieur aux autres, a le mérite essentiel d’être efficace.

Voici un exemple concret :

Patient : garçon de 10 ans, 140 cm, 28 kg. Motif de consultation : faible fièvre depuis 3 jours, à 37,8°C, toux avec mucosités. Symptômes : bouche amère, gorge sèche, toux, mucosités collantes, nez bouché, éternuements, transpiration, agitation. Langue : bout rouge, enduit blanc, légèrement glissant.

Traitement :

Dāngshēn (黨參) 10g Cháihú (柴胡) 15g Huángqín (黄芩) 9g Zǐsūyè (紫苏叶) 10g Qīngbànxia (清半夏) 9g Zhī gāncǎo (炙甘草) 9g Máhuáng (麻黄) 6g Shēngshígāo (生石膏) 18g Chénpi (陈皮) 10g Chǎo kǔ xìngrén (炒苦杏仁) 10g Shēng jiāng (生姜) 9g Dàzǎo (大枣) 15g

Prescription : 3 doses, 1 dose par jour, prise en deux fois. Au bout de 2 jours, soit après 2 doses, la mère de l’enfant rapporte : « Il n’y a plus de fièvre ni d’agitation, et la toux a presque disparu. Dois-je lui donner la dernière prise ? » Le tableau pathologique ayant changé et le problème étant résolu à plus de 80%, il n’est pas nécessaire de poursuivre.

Voilà les résultats que nous souhaitons tous obtenir en clinique. Comment y parvenir ? Comment a été prescrit cette formule ? Quels concepts diagnostics ont permis d’aboutir à ce résultat ? Quelle est la subtilité de ces modifications ?

Toutes ces réponses résident dans la compréhension profonde d’un système simple et efficace, que nous vous proposons de découvrir et auquel nous vous invitons à vous joindre.

Une approche différente des méridiens

Il y a fondamentalement deux manières d’aborder l’étude du Shāng Hán Zá Bìng Lùn (伤寒杂病论), parfois appelé Jīng Fāng (经方), les formules classiques. L’une consiste à comprendre ces textes comme étant rattachés aux grands classiques de l’acupuncture et du Nèi Jīng 内经 (Classique interne). L’autre, à les distinguer complètement. C’est de cette deuxième tendance qu’est issue la pédagogie des Dr Hú Xīshù (胡希恕) et Féng Shìlún (冯世纶). S’il n’est pas question d’établir un rapport de supériorité entre ces deux courants de pensée, il reste que la seconde a le mérite d’étudier le Shāng Hán Zá Bìng Lùn pour lui-même, sans emprunter à d’autres textes. Ainsi, l’analyse de ce qui compose le cœur de cette approche, l’étude des liù jīng (六经) (que nous appelons « six systèmes »), est différente des six grands méridiens (canaux) que nous connaissons en acupuncture et qui portent le même nom. Le Shǎoyīn (少阴) dans cette vision du Shāng Hán Lùn (伤寒论) n’a en effet rien à voir avec le grand méridien (canal) Shǎoyīn de l’acupuncture.

Une méthodologie pour localiser la pathologie

Dans cette vision du Shāng Hán Lùn, l’objectif du diagnostic vise à situer, à localiser les manifestations de la pathologie. Une vision qui peut dans un premier temps être divisée en trois niveaux. Mon professeur à Pékin utilise une métaphore très parlante que je reprendrais ici à mon compte.

Prenons un œuf dur. Celui-ci est tout d’abord composé d’une coquille. Cette coquille peut être considérée comme étant « l’extérieur » (Biǎo, 表), « l’externe » de l’œuf.

Le reste, qui réside à l’intérieur de l’œuf, qui ne se situe pas au niveau de la coquille, ne peut donc pas être considéré comme « l’externe ».

Allons plus loin… Dans les matières qu’il reste, nous avons le blanc et le jaune.

Le jaune de l’œuf, qui est au cœur de notre œuf dur, peut, à l’inverse de la coquille, être considéré comme étant à « l’intérieur » (Lǐ, 里), l’interne de l’œuf. Mais alors que faire du « blanc » ?

Celui-ci n’est pas « l’externe », puisqu’il n’est pas « coquille », il n’est pas non plus « interne » puisqu’il n’est pas « le jaune ». En réalité, « le blanc » peut être considéré comme étant « entre » la coquille et le jaune, entre « l’externe » et «l’ interne », à la position « mi-interne, mi-externe » (Bàn biǎo bàn lǐ, 半表半里).

Attention, le blanc n’est « ni coquille », « ni jaune ». Le mi-externe/mi-interne n’est pas à « moitié » « jaune » ni à moitié « coquille ». Il se localise « entre » la coquille et le jaune. C’est pourquoi, on dit qu’il est à la position mi-externe/mi-interne.

Grâce à cette métaphore triviale, nous pouvons comprendre comment localiser une pathologie. Et nous devons à chaque fois, nous poser la question : les manifestations cliniques sont-elles à la « surface », dans l’interne ou dans le mi-externe/mi-interne ?

N’oublions pas que la réalité du corps humain est complexe, celle-ci est d’ailleurs décrite avec beaucoup d’intelligence dans le Shāng Hán Lùn.

Une pathologie peut, ainsi, se situer à plusieurs endroits en même temps. Rien n’empêche « un œuf dur » d’avoir une atteinte de « sa coquille » avec « un jaune » avarié, voire même de voir ses trois niveaux simultanément compromis.

Cette vision de la santé, de la localisation d’une pathologie, est en réalité un outil incontournable pour émettre un diagnostic précis.

Par exemple. Si je vous dis : Je ne suis ni « coquille », ni « jaune », qui suis-je ?  la réponse est évidente, je suis «  le blanc », « mi-interne/mi-externe »… une logique de diagnostic par exclusion cliniquement redoutable.

Les théories du Yīn Yáng appliquées :  de trois localisations à six systèmes (liù jīng 六经)

Le système des Dr Hú Xīshù et Féng Shìlún comprend encore une spécificité : les Bā Gāng (八纲)… les huit principes fondamentaux de la médecine chinoise : Yīn/Yáng (阴阳) ; Interne (Lǐ, 里)/Externe (Biǎo, 表) ; Chaleur (Rè, 热)/Froid (Hán, 寒) ; Vide (Xū, 虚)/Plénitude (Shí, 实).

Nous nous arrêterons dans cet article à expliquer succinctement l’application du Yīn Yáng pour présenter de manière concise les six systèmes (liù jīng 六经).

Pour plus d’informations sur les six systèmes, la manière de les définir, leurs manifestations cliniques etc… je vous renvoie à la lecture des articles de Philippe Sionneau comme par exemple : https://sionneau.com/medecine-chinoise/articles-medecine-chinoise-acupuncture/la-medecine-chinoise-classique-va-revolutionner-votre-pratique-partie-3

Les théories du Yīn Yáng appliquées au système de localisation que nous venons de décrire nous permettent d’affiner encore un peu plus notre diagnostic.

En effet, soumis à la théorie du Yīn Yáng, toute chose peut être relativement classée en deux parties… il en va de même pour nos localisations.

Il existe ainsi une Surface yáng, le Tàiyáng (太阳), une surface yīn, le Shǎoyīn, Un interne yáng, Yángmíng (阳明), un interne yīn, Tàiyīn (太阴), Un mi-interne yáng, Shǎoyáng (少阳), un mi-interne yīn, Juéyīn (厥阴).

Vous comprenez désormais pourquoi le Shǎoyīn du Shāng Hán Lùn, dans la vision des prescriptions classiques (jīng fāng 经方) des Dr Hú Xīshù et Féng Shìlún, est complètement différent du Shǎoyīn de l’acupuncture, de l’axe cœur et reins des organes zàng fǔ, mais représente en fait toute autre chose, une surface yīn.

Un système de syndrome-prescription

Que faire une fois que nous sommes certains de notre localisation ?

Le système des Dr Hú Xīshù et Féng Shìlún est basé sur une étude classifiée des formules.

Chaque formule présente dans le Shāng Hán Lùn et le Jīng Guì Yào Lüè, a été minutieusement étudiée en utilisant le prisme de lecture des six systèmes.

Ainsi, et c’est là encore un avantage clinique immense, chaque système contient un nombre définit de formules qui lui ont été attribuées.

Une fois la localisation de la pathologie définie, il suffit au praticien de sélectionner une formule dans les systèmes atteint.

Vous constatez une atteinte du Tàiyáng 太阳, de la surface Yáng ? Et bien, vous devez choisir une formule de la famille du Tàiyáng 太阳.

Vous diagnostiquez une atteinte combinée de deux systèmes ? Se présentent à vous 2 options : soit vous sélectionnez une formule qui soigne simultanément ces deux systèmes, il en existe plusieurs, soit vous combinez deux formules de chacun de deux systèmes.

Une fois que vous avez choisi la famille de formules adaptées à votre diagnostic, vous devez opérer une seconde sélection en fonction du syndrome que vous souhaitez traiter.

Par exemple, un patient présente une légère fièvre, des courbatures musculaires avec de la toux, diagnostiqué comme étant une atteinte localisée à la surface, une surface Yáng (Tàiyáng). Il suffira au thérapeute de trouver une formule du Tàiyáng dont le syndrome principal correspond à son patient qui souffre de fièvre, de courbatures musculaires et de toux…

 

Une méthodologie pour comprendre et appliquer

Ce système ou s’imbrique diagnostic, traitement et apprentissage des formules et des plantes nous permet non plus d’apprendre la pharmacopée mais de la comprendre et de l’appliquer avec plus de précisions, plus d’efficacité.

Enrichi par l'expérience de Philippe Sionneau et la mienne en tant qu'ancien étudiant de cette formation supérieure en pharmacopée chinoise et étudiant direct du Dr Féng Shìlún et de ses disciples, nous avons mis à votre disposition une expertise unique diffusée au travers de tout un arsenal de méthodes pédagogiques innovantes.

Cette approche des Jīng Fāng, lorsqu’elle est bien enseignée, permet à chacun d'être rapidement efficace en cabinet tout en restant relativement serein quant à l'effet des prescriptions.

En respectant les grands principes de localisation de la pathologie, et les bonnes méthodes de « comment prescrire », les risques d'une utilisation inappropriée de la pharmacopée sont considérablement réduits, voire inexistants. Vous aurez enfin les moyens de vous doter de cet outil incontournable qu’est la pharmacopée chinoise pour augmenter votre efficacité clinique.

La pharmacopée enseignée au travers de ce système peut sembler bien simple… Mais simple ne veut pas dire simpliste et ce que nous cherchons avant tous c’est l’efficacité de nos traitements. Apprendre les Jīng Fāng de cette manière, vous permettra d’avoir à votre porté un système synthétique, cohérent et directement applicable en pratique clinique.

Dans notre prochain article, je vous propose de revisiter le cas clinique de notre jeune patient âgé de 10 ans. Cette analyse détaillée nous permettra d'illustrer de manière concrète les principes discutés ci-dessus. Ne manquez pas l’occasion qui vous est proposée de comprendre la pharmacopée chinoise sous un jour nouveau.

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