La médecine chinoise classique va révolutionner votre pratique - Partie 3

Dans Théories fondamentales Dans Phytothérapie chinoise

Partie 3

Dans ce nouvel article j’aimerais continuer à vous présenter la médecine chinoise classique et en particulier le style des prescriptions classiques (jīng fāng 经方) qui correspond à une méthodologie précise pour diagnostiquer et traiter les patients. Ce courant médical est bien plus simple à étudier et à appliquer que la « MTC ». Il facilite notamment le diagnostic et la sélection des traitements. Pour bien apprécier ce style, je vous recommande de lire les 2 articles précédents. Je vais poursuivre ici la description des caractéristiques de ce style ancien. Les amoureux de la médecine chinoise antique devraient être interpelés…
 

Les 6 systèmes = les 6 localisations de la pathologie

Dans la méthode que je vous présente, les 6 systèmes (tài yáng, shào yáng, yáng míng, shào yīn, tài yīn,  jué yīn) sont en relation avec la localisation de la maladie. Les 6 niveaux sont six lieux, six zones physiologiques ou pathologiques :

  • L’externe ou la surface (biǎo 表) est en rapport avec la surface du corps, c’est-à-dire la peau, les muscles, les chaires, les tendons, les articulations, des os et tout ce qui constitue la partie extérieure du corps. C’est la surface. Si un facteur pathogène, quelle que soient sa nature et son origine provoque une réaction dans cette partie du corps, on peut diagnostiquer un syndrome de surface (externe).
  • L’interne (lǐ 里) est en rapport avec la partie intérieure de l’organisme. Précisément, il s’agit de l’œsophage, de l’estomac, du gros intestin, de l’intestin grêle et tout ce qui constitue le système digestif. Si un facteur pathogène, quelle que soient sa nature et son origine provoque une réaction dans cette partie du corps, on peut diagnostiquer un syndrome interne.
  • Le mi externe/mi interne (bàn biǎo bàn lǐ 半表半里) est en rapport avec la surface de l’interne, et l’interne de la surface, c’est-à-dire la zone qui existe entre la surface et l’interne, c’est-à-dire les espaces importants dans la poitrine et l’abdomen, y compris aussi la région thoracique latérale. C’est la zone où sont situés tous les organes zàng et fǔ c’est-à-dire la partie mi-externe, mi-interne de l’organisme. Si un facteur pathogène, quelle que soient sa nature et son origine provoque une réaction dans cette partie du corps, on peut diagnostiquer un syndrome mi-externe, mi-interne.

Il est à noter que toutes les maladies qui sont « internes » par exemple, ont en commun un certain nombre de symptômes. Il existe une grande variété de combinaisons possibles de ces symptômes, mais dès qu’une pathologie s’exprime dans une de ces 3 zones, elle est obligatoirement teintée de manifestations typiques qui caractérisent chacune de ces 3 parties du corps. En outre, il est tout à fait possible qu’une pathologie implique 2 voire 3 zones simultanément. Soulignons également, que lorsqu’on parle de localisation, il s’agit de la localisation des manifestations de la maladie, de ses réactions dans le corps et non pas le lieu où se trouve la maladie elle-même. Concrètement en cas de grippe de type tài yáng on constate que les manifestations s’opèrent en surface, mais on sait très bien que le virus circule en réalité dans le sang, à l’intérieur du corps. Mais dans la dialectique des prescriptions classiques (jīng fāng 经方), on ne cherche pas à imaginer où elle est d’un point de vue biochimique ou d’où elle vient. Pour parler « plus chinois », si une pathologie est dans l’interne mais provoque une réponse à la surface selon la définition que nous venons de lui donner, alors le diagnostic est un syndrome de surface. Ce qui compte c’est où se manifestent les symptômes. A l’inverse si un facteur pathogène externe s’exprime par des symptômes internes, alors l’attitude correcte est de diagnostiquer un syndrome interne.
 

Schéma des trois localisations

La zone mi-externe, mi-interne est en relation avec de nombreux troubles provenant de différents organes et zones du corps. Elle est spécialement en rapport avec la poitrine, l’abdomen, la région thoracique latérale qui peuvent être liés à divers symptômes induits par le système urinaire, digestif, respiratoire et endocrinien. Le syndrome mi-externe, mi-interne n’est pas en rapport avec des maladies spécifiques ou encore spécialement avec le foie et la vésicule biliaire. Il est en relation avec un groupe de symptômes qui ensemble forment le syndrome mi-externe, mi-interne. Il peut donc être lié avec n’importe quel organe du corps. Ce qui est capital, ce sont les symptômes, pas l’idée préconçue que nous avons à leur sujet.
 

Les syndromes-prescriptions - fāng zhèng

L’analyse des signes et des symptômes à travers les huit principes et les 6 systèmes, nous permet de repérer la localisation du dérèglement (extérieur, intérieur, mi-externe/mi-interne), sa polarité (yīn, yáng), sa nature (froid, chaleur) ainsi que sa qualité (vide, plénitude). L’ensemble de ces paramètres nous oriente vers une prescription précise. Chaque formule dans le Shāng Hán Lùn (Traité des lésions du froid) et dans l’œuvre de Zhāng Zhòng Jǐng plus généralement correspond à un syndrome particulier. 1 formule = 1 syndrome. C’est pourquoi on nomme cette entité fāng zhèng 方证 : « syndrome-prescription » ou encore « syndrome de la prescription ». Ainsi, on parle du syndrome Guì Zhī Tāng 桂枝汤 (Décoction de Ramulus Cinnamomi Cassiae), du syndrome Xiǎo Chái Hú Tāng 小柴胡汤 (Petite décoction de Radix Bupleuri), du syndrome Sì Nì Tāng 四逆汤 (Décoction des quatre inversions), etc. Zhāng Zhòng Jǐng propose 262 prescriptions qui correspondent ainsi à 262 syndromes différents. Ce sont justement ces formules de la dynastie Han qui sont nommées prescriptions classiques (jīng fāng 经方). L’usage exclusif de ces formules tirées de l’enseignement du Shāng Hán Zá Bìng Lùn 伤寒杂病论 (Traité des lésions du froid et des maladies diverses)  est ce que l’on nomme « l’école des prescriptions classiques » (jīng fāng pài 经方派).

Dans ce style, connaître le système impliqué dans la pathologie grâce aux 8 principes est essentiel mais pas suffisant. Par exemple, savoir que le déséquilibre d’un patient est une maladie du tài yáng est incontournable, mais ensuite, il faut que cela débouche sur l’une des nombreuses prescriptions du tài yáng. La reconnaissance de la bonne formule se base essentiellement sur les signes et les symptômes associés aux prescriptions dans le Shāng Hán Zá Bìng Lùn 伤寒杂病论 (Traité des lésions du froid et des maladies diverses).

Prenons un exemple concret. Un patient peut présenter cet ensemble de symptômes : céphalée, fièvre, douleurs musculaires, douleurs articulaires, aversion pour le froid, absence de transpiration, dyspnée. Ils sont associés sans aucune hésitation à une maladie du tài yáng et plus précisément à une lésion du froid. La formule qui y correspond le mieux est Má Huáng Tāng 麻黄汤 (Décoction de Herba Ephedrae). Cependant, si en plus il a une forte rigidité et douleur de la nuque et du dos, Gě Gēn Tāng 葛根汤 (Décoction de Radix Puerariae) est mieux adapté. Si, en plus, il y a une dysphorie agitation, Dà Qīng Lóng Tāng 大青龙汤 (Grande décoction du dragon bleu) est mieux adaptée. Ces trois prescriptions appartiennent au tài yáng, induisent une sudorification, traitent le même univers mais répondent à des situations pathologiques différentes qui demandent une impulsion thérapeutique différente. Chacune de ces formules est caractérisée par une combinaison de plantes particulières, précises, qui favorisent le traitement d’un groupe de symptômes particuliers qui constituent un syndrome.

La famille Guì Zhī Tāng 桂枝汤 (Décoction de Ramulus Cinnamomi Cassiae) intègre 28 variations, c’est-à-dire 28 syndromes différents (donc avec 28 groupes de signes et symptômes différents) et 18 syndromes de transmutations, c’est-à-dire de changement de nature et de lieu. Par exemple, une maladie du tài yáng se transmute en maladie du yáng míng. Ces 28 syndromes présentent des variations de Guì Zhī Tāng 桂枝汤. Parfois les ingrédients sont identiques et uniquement la posologie d’une ou plusieurs substances médicinales change. Même cette modification fait de la prescription un traitement adapté pour une autre situation pathologique que celle de Guì Zhī Tāng 桂枝汤. Chaque variation, même lorsqu’il s’agit simplement de la posologie, implique le changement du nom de la prescription. Par exemple, quand Zhāng Zhòng Jǐng fait passer la posologie de Gui Zhi de Guì Zhī Tāng 桂枝汤 de 9g à 15g la formule devient Guì Zhī Jiā Guì Tāng 桂枝加桂汤 (Décoction de Ramulus Cinnamomi Cassiae plus Ramulus Cinnamomi) pour pouvoir traiter plus efficacement le « qì qui surgit en haut » (qì shàng chōng 气上冲), qui n’est rien d’autre qu’une forme d’inversion de qì lorsqu’un syndrome tài yáng n’a pas été correctement éliminée à la surface du corps. Cette inversion du qì peut se traduire par céphalée, étourdissement, vertiges, acouphènes, transpiration à la tête, éructations, toux…

Si la prescription n’est pas adaptée aux manifestations cliniques, elle peut ne pas avoir d’effet thérapeutique. On peut voir une illustration radicale de ce principe avec Wǔ Líng Sǎn 五苓散 (Poudre des cinq [ingrédients] avec Sclerotium Poriae Cocos). Chez une personne saine, elle n’augmente pas la quantité des urines. Chez les mêmes personnes à qui on a donné volontairement un sudorifique pour faire beaucoup transpirer pour créer un syndrome Wǔ Líng Sǎn 五苓散, lorsqu’on donne à nouveau ce remède, leurs urines augmentent. Cela démontre que les formules sont adaptées à un ensemble symptômes précis sans quoi elles ne fonctionnent peu ou pas.
 

!! On ne traite ni les causes, ni les maladies !!

Dans cette méthode la cause de la maladie comme par exemple, vent humidité externe, chaleur interne par consommation excessive d’alcool, vide du sang du foie par utilisation excessive des écrans, excès de stress, troubles émotionnels, etc., n’est pas importante ! Ce qui est important est le lieu, la polarité, la nature, la qualité de la pathologie dans le moment présent, au moment de la consultation. Ce qui est fondamental ce n’est pas la cause mais comment chez un individu donné son corps réagit vis-à-vis d’un facteur pathogène. Pour le même facteur pathogène, chaque personne va développer sa propre réaction face à ce pervers selon son âge, son sexe, la force de son qì, ses maladies passées, selon sa constitution, etc. Cela va donner des manifestations différentes. C’est ce qui fait que sous le même niveau de stress, certaines personnes ne vont pas déclarer de pathologie, d’autres vont présenter une migraine chronique, d’autres une colopathie fonctionnelle, d’autres de l’asthme, d’autres une dépression mentale, etc. Avec la médecine chinoise classique, on ne va pas essayer de traiter le stress, ni la maladie, mais les manifestations spécifiques de l’individu soumis au stress.

Je répète, ce qui est essentiel, ce n’est pas le facteur pathogène à l’origine de la maladie mais comment l’organisme d’une personne s’y est adapté. Bien évidemment, ce sont les symptômes et les signes qui vont nous permettre de savoir comment le corps s’est ajusté à la situation pathologique et quelle est la prescription qui y correspond. Ce concept est très important pour saisir la grande différence qui existe entre le monde médical des prescriptions classiques (jīng fāng 经方) et celle du Nèi Jīng (Classique interne) ou encore celui de la « MTC ». Zhāng Zhòng Jǐng met un éclairage sur le syndrome-prescription, éventuellement sur le mécanisme physiopathologique mais pas sur l’étiologie.

Par exemple, Guì Zhī Tāng 桂枝汤 (Décoction de Ramulus Cinnamomi Cassiae) est considéré selon l’enseignement universitaire contemporain comme un remède qui traite une maladie causée par le vent froid (rhume, grippe, maladies respiratoires…). Ce n’est pas l’éclairage de « l’école des prescriptions classiques » (jīng fāng pài 经方派). En fait, Guì Zhī Tāng peut traiter certes des attaques de vent froid mais aussi une transpiration excessive, spontanée ou nocturne sans attaque de la surface par le froid ! Guì Zhī Tāng quel que soit le pervers qui est impliqué à l’origine peut traiter n’importe quelle maladie caractérisée par un type particulier de transpiration sans forcément que le trouble provienne d’un « vent froid ». Si un patient présente une maladie cutanée chronique, qui date de nombreuses années, qui s’accompagne de sensations de chaleur générale, d’une transpiration spontanée ou fréquente voire nocturne et d’une crainte des courants d’air, avec éventuellement parfois une congestion nasale et une céphalée, cette dermatose sera traitée par Guì Zhī Tāng. Pourtant il n’y a pas de vent froid, ce n’est pas aigu ni récent.

L’application des formules classiques ne sont pas basées sur les maladies ou sur les causes mais sur les signes et les symptômes qui constituent des « syndromes-prescriptions ». Cela signifie qu’une formule du Shāng Hán Lùn (Traité des lésions du froid) peut traiter un grand nombre de maladies très différentes et qu’une maladie donnée peut être traitée par différentes prescriptions. La méthode thérapeutique de Zhāng Zhòng Jǐng ne cherche pas à soigner des maladies mais des syndromes caractérisés par un ensemble de signes et de symptômes que l’on regroupe en 6 catégories, c’est-à-dire les 6 systèmes. Dit autrement, la méthode thérapeutique n’est pas basée sur l’indentification de maladies ou de causes mais sur le diagnostic de mécanismes pathologiques à travers un groupe de signes et de symptômes, qui peuvent être à l’origine de différentes maladies.
 

Une première conclusion

En conclusion, dans cette méthode, on ne se préoccupe pas du nom de la maladie ni de sa cause mais où et comment elle se manifeste. Cette approche simplifie grandement le processus mental lors du diagnostic. Nous n’avons pas besoin de déterminer la cause de la maladie. En outre, les signes et symptômes nous montrent, selon une méthodologie précise, quel est ou quels sont les systèmes qui dysfonctionnent. La formule adaptée nous permet de rétablir l’équilibre physiologique du système déréglé et grâce à cela n’importe quel pervers est naturellement éliminé. Cela ne signifie pas que les résultats soient forcément instantanés car certains déséquilibres demandent du temps pour être remis en ordre, mais en tout cas on a la méthode.

Dans cette approche, les formules ne sont pas simplement des remèdes avec des fonctions et des indications. Elles décrivent les différents aspects de la pathologie humaine. Elles sont une méthode de compréhension du corps humain et de ses maux. Le diagnostic est donc toujours l’association de 3 éléments : « système 经/principe 纲/syndrome 证 », en sachant que le syndrome est une combinaison de symptômes traités par une prescription précise. Dit autrement, le diagnostic et le traitement se fondent sur la reconnaissance du lieu de la maladie (= système impliqué), la nature de la maladie (= les principes impliqués : yīn/yáng/chaud/froid/interne/externe/vide/plénitude), et la combinaison particulière de symptômes (= syndrome qui correspond à une prescription précise).

A suivre…

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