Les points psychiques du méridien du poumon

Dans Acupuncture Dans Troubles psychologiques et émotionnels

Par Philippe Sionneau

feijingDans mon ouvrage "Comprendre et traiter la dépression mentale en médecine chinoise", je présente les propriétés psychiques d’un certain nombre de points. A l’époque aucune de mes sources chinoises ne confirmait que les points du méridien du poumon traitaient les maladies psychologiques. Depuis, je fis des recherches approfondies dans les grands classiques de la médecine chinoise pour tenter de retrouver le sens d’une acupuncture plus antique. La première surprise fut que ces traités anciens évoquent beaucoup plus que je l’imaginais la sphère psycho-émotionnelle. Ainsi, je découvris avec délice que les points du méridien du poumon étaient assez utilisés dans ce domaine dans des époques plus anciennes. Cet article a pour objectif de présenter un petit aperçu de ces recherches.

J’ai tenté d’exclure tous les “ on dit ” bien de chez nous qui sont relayés par la rumeur. Prenons, l’exemple de P 7 (Lie Que). Certains célèbres auteurs anglais et français affirment avec grand aplomb, que ce point traite la tristesse. D’autres soutiennent cette théorie en affirmant qu’eux même ont eu l’expérience d’avoir déjà déclenché des pleurs chez des patients après avoir piqué ce point.

Je me demande si ces personnes sont bien attentives à leurs patients et à leur pratique. Car, il suffit de piquer n’importe quel point (j’exagère à peine) pour faire déborder une personne prête à exploser (n’oublions pas que les cabinets de médecines non conventionnelles sont l’un des rares endroits où les gens peuvent prendre le droit et le temps de se libérer, de se relâcher, de s’exprimer, de s’extérioriser). Or, il suffit d’ouvrir un peu les yeux pour constater que ces larmes sont rarement associées à de la tristesse mais à une surtension émotionnelle associée à de la frustration, de l’humiliation, de la colère rentrée…, c’est à dire à une surpression du foie. Les pleures ne sont ici qu’une des formes d’évacuation des tensions intérieures que vivent ces individus. En fait, à ma connaissance, aucun texte chinois, contemporains ou anciens ne confirme que P 7 (Lie Que) traite la tristesse. Au contraire les classiques de l’acupuncture le citent comme point qui traite l’excès de rire et de joie ! ! ! Seuls P 3 (Tian Fu) cité dans le Qian Jin Yao Fang (Prescriptions majeures de milles onces d’or) et P 10 (Yu Ji) cité dans le Shen Ying Jing (Livre conforme au divin), le Zhen Jiu Quan Sheng (L’acupuncture et la moxibustion totalement vivante) et le Zhen Jiu Ji Cheng (Synthèse de l’acupuncture et de la moxibustion) sont des points du méridien du poumon ayant une action sur la tristesse, d’après les anciens.

Pour élargir notre point de vue à une acupuncture plus ancienne, j’ai travaillé à partir des plus célèbres classiques de l’acupuncture (Zhen Jiu Jia Yi Jing, Jin Qian Yao Fang, Zhen Jiu Zi Sheng Jing, Zhen Jiu Da Quan, Shen Ying Jing, Zhen Jiu Da Cheng, Zhen Jiu Quan Sheng, Zhen Jiu Ji Cheng, etc.). Cette approche plus complexe car provenant de sources plus difficiles à étudier et à interpréter me paraît une voie de recherche formidable. Elle présente un style d’acupuncture plus antique qui aujourd’hui semble presque disparu en Chine dans l’enseignement universitaire.

P 3
(Tian Fu)

Selon l’approche contemporaine de l’acupuncture chinoise, P 3 (Tian Fu) n’est jamais utilisé pour traiter des désordres psychiques. Et pourtant, il semble avoir été un point utilisé jadis si on en juge ce que présente certains classiques. Si aujourd’hui il davantage utilisé pour clarifier la chaleur et diffuser le poumon (toux, l’asthme, dyspnée), pour rafraîchir le sang (épistaxis, hématémèse), pour disperser les indurations (goitre), il est aussi intéressant pour traiter les troubles suivants :

1- Pertes de mémoire

Pour cela, le Zhen Jiu Zi Sheng Jing (Livre de l’acupuncture et de la moxibustion pour aider la vie), le combine à DM 20 (Bai Hui), GI 11 (Qu Chi) et P 7 (Lie Que). Je pense qu’il agit ici grâce à l’une de ses spécificités : c’est un point « fenêtre du ciel ». Les points « fenêtres du ciel » d’après une observation de leurs indications dans les classiques, semblent faire descendre le Qi efficacement. Alors que P 3 (Tian Fu) fait descendre le Qi, P 7 (Lie Que) et GI 11 (Qu Chi) le font monter grâce à leur fonction de dispersion du vent externe (action ascendante et centrifuge). Ainsi, ces trois points favorisent une meilleure montée et descente du Qi dans la tête, en relais de DM 20 (Bai Hui) qui ouvre les orifices. Le tout permet une circulation accrue dans le cerveau et donc une nutrition plus efficace de la mère des moelles qui est reconnue traditionnellement comme étant le siège de l’intelligence.

2- Insomnie

Pour cela le Pu Ji Fang (Formulaire d’aide universelle) et le Zhen Jiu Ji Cheng (Synthèse de l’acupuncture et de la moxibustion), le combinent à Rt 1 (Yin Bai) et Rt 9 (Yin Ling Quan) pour une insomnie due à un double vide du cœur et de la rate. Là aussi, c’est la capacité de P 3 (Tian Fu) à permettre une meilleure circulation dans le haut du cœur qui est recherchée.

3- Tristesse

Contrairement à P 7 (Lie Que) comme nous le verrons plus loin, P 3 (Tian Fu) est cité par deux grands classiques pour traiter la tristesse : le Qian Jin Yao Fang (Prescriptions majeures de milles onces d’or) et le Zhen Jiu Zi Sheng Jing (Livre de l’acupuncture et de la moxibustion pour aider la vie). Mais à chaque fois, il est indiqué pour la tristesse qui s’accompagne de parole démentes et prescrit non pas à l’aiguille mais au moxa (50 à 100 selon le texte).

P 5
(Chi Ze)

Là encore, nous voilà face à un point qui n’est jamais utilisé aujourd’hui pour la psychiatrie et qui pourtant était parfois indiqué dans ce domaine dans les textes anciens. Un autre nom de P 5 (Chi Ze) est Gui Tang : « la court des démons ». Il semble avoir été exploité dans deux directions : la dysphorie/agitation (Fan Zao ) et les psychoses (Dian Kuang).

Pour la dysphorie/agitation, le Zhen Jiu Zi Sheng Jing (Livre de l’acupuncture et de la moxibustion pour aider la vie) l’associe au IG 1 (Shao Ze).

Pour Dian Kuang, il est souvent impliqué dans de grandes formules [comme dans le Zhen Jiu Jia Yi Jing (Livre de l’ABC de l’acupuncture et de la moxibustion), le Shen Ying Jing (Livre conforme au divin) ou le Zhen Jiu Quan Sheng (L’acupuncture et la moxibustion totalement vivante)] ou des formules plus modestes mais alors avec une application très spécifique, par exemple le Qian Jin Yao Fang (Prescriptions majeures de milles onces d’or) le combine à Rn 2 (Ran Gu) pour une psychose dépressive (Dian) avec le bras qui ne peut pas être lever vers la tête…

P 7
(Lie Que)

Voici un point qui suscite des polémiques. En effet, certains auteurs occidentaux prétendent que ce point traite la tristesse, argumentant que ce point à la faculté de faire pleurer les patients ayant gardés trop longtemps leurs émotions à l’intérieur d’eux. Je pense sincèrement que cette affirmation est erronée et qu’elle est basée sur une idée intellectuelle et non pas la pratique comme c’est prétendu. Penser que les pleures sont le « son » du métal associé au poumon dont la tristesse est l’émotion, est un raccourci bien occidental et une vision bien étroite de la médecine chinoise. Pourquoi ?

    A- Parce que les pleures peuvent aussi être le signe d’une décompression psychologique, un relâchement des tensions émotionnelles dues à une surpression du foie. Rien à voir avec la tristesse telle qu’elle est définie en médecine chinoise. Elle correspond davantage à de grandes frustrations, à de l’humiliation, de la colère intérieure. La plupart des patients qui se mettent à pleurer pendant ou juste après une séance sont plus souvent impliqués dans un processus de frustration (dans son sens large) que dans un processus de tristesse. Ceci est une observation clinique plus conforme à la réalité.

    B- Nous sommes souvent face à des patients qui ont refoulés, bloqués leurs émotions, leurs frustrations et ressentiments à l’intérieur, ceci dans un contexte de surpression du foie. Le premier effet de l’acupuncture est de faire circuler le Qi et le sang, de relaxer les patients. C’est pour cela qu’une grande majorité de points ont la capacité de faire circuler le Qi et donc les émotions qui sont une forme de Qi. C’est aussi le fait de relâcher la personne et donc ses tensions qui fait sortir les émotions, qui l’amène à avoir un débordement de larme, qui est justement l’un des mécanismes naturels que le corps utilise pour libérer une colère/frustration/ressentiment. Or, même s’il existe probablement des points qui favorisent l’expression des émotions (ce qui reste encore à démontrer), P 7 (Lie Que) n’a vraiment pas de particularité spéciale par rapport à ça.

    C- Parce que la tristesse n’est pas synonyme de pleures et vice versa. Penser : « pleures = tristesse » montre une méconnaissance de la signification de Shan Bei .

    D- Enfin si la tristesse est certes associée au poumon d’autres organes ou syndromes peuvent la provoquer. Dans le Qi Qing Bing Bian Liao (Traitements différentiels des maladies des sept émotions), Yu Kuang Qing présente huit types de syndrome provoquant la tristesse dont six n’impliquent pas du tout le poumon … Donc, le raisonnement utilisé pour justifier que P 7 (Lie Que) traite la tristesse parce que c’est un point du méridien du poumon est trop simpliste, basé sur une vision trop superficielle de la médecine chinoise.

    E- Après des recherches acharnées, je n’ai vu aucun texte classique affirmer que P 7 (Lie Que) traite la tristesse ou les soucis qui sont des concepts précis en médecine chinoise. En revanche, c’est un point donné pour le traitement opposé à la tristesse : l’excès de rires…

Je confirme cependant que P 7 (Lie Que) est un grand point des troubles psychiques mais sans rapport avec les soucis ou la tristesse. Pour conforter une affirmation qui va à contresens de la « mode », dans un art taditionnel, nous avons l’obligation de faire appel au savoir des anciens. Et ici il est véhiculé par les grands classiques de l’acupuncture et de la moxibustion. De nombreux textes citent P 7 (Lie Que) pour des désordres mentaux, psychologique ou psychiatrique. Notre étude ci-dessous n’est probablement pas complète, mais comporte les aspects les plus dominants :

1- Troubles de la mémoire

Difficile à comprendre de prime abord, P 7 (Lie Que) semble néanmoins un point renommé à travers les âges pour traiter la mémoire défaillante. Il est cité dans de nombreux texte comme par exemple :

    Le Zhen Jiu Zi Sheng Jing (Livre de l’acupuncture et de la moxibustion pour aider la vie), l’associe avec DM 11 (Shen Dao), Rn 21 (You Men), et V 43 (Gao Huang Shu) si les troubles de la mémoire s’accompagnent d’insomnie. [Voir aussi une autre formule cité dans P 3 (Tian Fu)]

    Le Yi Xue Gang Mu (Compendium de médecine) l’associe avec V 15 (Xin Shu), C 7 (Shen Men), RM 12 (Zhong Wan), E 36 (Zu San Li) et C 3 (Shao Hai).

    Le Zhen Jiu Da Cheng (Compendium de l’acupuncture et de la moxibustion) l’associe avec V 15 (Xin Shu), C 7 (Shen Men) et C 3 (Shao Hai).


En fait, je pense que P 7 (Lie Que) est utilisé dans les troubles de la mémoire non pas parce qu’il est un point du méridien du poumon mais parce qu’il est le point de commande de la tête et de la nuque. Il permet au Qi et au sang de mieux circuler, de mieux irriguer la mer des moelles. C’est un point qui « ouvre » les méridiens de l’occiput et qui lève les obstructions. Il favorise ainsi la nutrition du cerveau. Par ailleurs une étude attentive nous permet de voir qu’il ne fait pas descendre le Qi du poumon comme c’est souvent dit mais diffuse le Qi du poumon (mouvement centrifuge) et libère la surface, diffuse la couche Wei (mouvement ascendant et centrifuge). Ainsi, c’est un point qui tend à faire monter le Qi et favorise la circulation dans les extrémités. Ce dynamisme particulier ne fait que renforcer son action de nutrition de la mer des moelles.

2- Dysphorie/agitation (Fan Zao)

P 7 (Lie Que) est moins abondamment cité comme point traitant la dysphorie/agitation que pour la mémoire. Toutefois, il est notamment mentionné dans le Zhen Jiu Da Cheng (Compendium de l’acupuncture et de la moxibustion) pour cette indication. Ceci ne doit pas nous étonner puisque la dysphorie/agitation correspond en partie à une sensation de gêne, d’angoisse, d’agitation, voire d’étouffement dans la poitrine. Or, la poitrine est commandée par le poumon et irrigué par le Ren Mai. P 7 (Lie Que) est le point Luo-Liaison du méridien du poumon, il diffuse le poumon, régularise le Qi du méridien du poumon. C’est le point Jiao Hui-Intersection du Ren Mai, il fait circuler et monter le Qi du Ren Mai, en particulier dans la poitrine grâce à son lien avec le poumon. En toute logique en régularisant le méridien du poumon et le Ren Mai, P 7 (Lie Que) traite la dysphorie du cœur.

3- Psychose (Dian Kuang)

Nous retrouvons dans quelques textes la présence de P 7 (Lie Que) pour le traitement de la psychose (dans son sens large). Le Zhen Jiu Feng Yuan (A la rencontre des origines de l’acupuncture et de la moxibustion) donne trois formules où P 7 (Lie Que) avec l’aide d’autres points traite les Dian Kuang avec des conditions différentes :

  •     1- GI 6 (Pian Li), GI 7 (Wen Liu), P 9 (Tai Yuan), P 7 (Lie Que), RM 23 (Lian Quan), C 7 (Shen Men) pour crises de Dian Kuang, jour et nuit, incessantes.
  •     2- P 9 (Tai Yuan), P 7 (Lie Que), Rt 1 (Yin Bai), Rt 4 (Gong Sun), GI 6 (Pian Li), GI 7 (Wen Liu), E 36 (Zu San Li), E 41 (Jie Xi) pour Dian Kuang avec peur, colère, tristesse, pertes de mémoire.
  •     3- IG 7 (Zhi Zheng), IG 8 (Xiao Hai), GI 6 (Pian Li), GI 7 (Wen Liu), P 9 (Tai Yuan), P 7 (Lie Que) pour Dian Kuang avec cris, palpitations cardiaques, dysphorie du cœur, céphalée.

Le Zhen Jiu Ji Cheng (Synthèse de l’acupuncture et de la moxibustion) quant à lui l’indique pour des paroles de démon (c’est-à-dire qui n’ont pas de sens à cause du démon qui anime la personne en cas de folie ) et une tendance à rire exagérément. Il l’associe pour cela à GI 5 (Yang Xi), E 36 (Zu San Li), C 7 (Shen Men), IG 5 (Yang Gu), DM 26 (Ren Zhong), EC 7 (Da Ling), DM 24 (Shen Ting), EC 5 (Jian Shi) et Bai Lao (HM 23).

4- Tendance à la joie et aux rires [disproportionnés & excessifs] (Shan Xi Xiao)

Comme nous l’avons dit plus haut, P 7 (Lie Que) au lieu de traiter la tristesse est un point important pour « l’excès de joie et de rire » qui s’exprime dans certains troubles psychologiques ou psychiatriques. Ceci est probablement l’indication psychique la plus réputée de P 7 (Lie Que) dans les classiques. Ainsi, le Zhen Jiu Zi Sheng Jing (Livre de l’acupuncture et de la moxibustion pour aider la vie) le donne comme point unique pour cette maladie, le Shen Ying Jing (Livre conforme au divin) l’associe à GI 5 (Yang Xi), IG 5 (Yang Gu), C 7 (Shen Men), EC 7 (Da Ling), P 10 (Yu Ji), EC 8 (Lao Gong), Rn 7 (Fu Liu), V 13 (Fei Shu), le Zhen Jiu Da Cheng (Compendium de l’acupuncture et de la moxibustion) donne une variante de la formule précédente : GI 5 (Yang Xi), GI 4 (He Gu), C 7 (Shen Men), EC 7 (Da Ling), P 10 (Yu Ji), EC 8 (Lao Gong), Rn 7 (Fu Liu), V 13 (Fei Shu) et bien entendu P 7 (Lie Que) pour joie, rires et chants sans raison et enfin le Zhen Jiu Quan Sheng (L’acupuncture et la moxibustion totalement vivante) l’associe à DM 26 (Ren Zhong), GI 5 (Yang Xi), EC 7 (Da Ling) pour les rires qui ne peuvent pas être contrôlés. Cette fonction de P 7 (Lie Que) se retrouve aussi dans certains textes contemporains du début du vingtième siècle.

5- Syndrome du noyau de prune (Mei He Qi)

Une fois n’est pas coutume, cette application de P 7 (Lie Que) semble davantage contemporaine. En fait, comme le Zhen Jiu Jin Fang (Formule d’acupuncture et de moxibustion en or) l’exprime, P 7 (Lie Que) traite le syndrome du noyau de prune lorsqu’il est associé à Rn 6 (Zhao Hai) avec qui il forme une grande association. En effet, P 7 (Lie Que) est le point Jiao Hui-Intersection du méridien du Ren Mai et le point Luo-Liaison du méridien du poumon. Rn 6 (Zhao Hai) est le point Jiao Hui-Intersection du méridien du Yin Qiao Mai et un point clé du méridien des Reins. Les points Jiao Hui-Intersection sont associés aux vaisseaux extraordinaires sur lesquels ils ont une action directe. Ces points sont souvent employés pour traiter les déséquilibres de ces méridiens ou les maladies localisées sur le trajet de ces vaisseaux. Le Ren Mai commande notamment la gorge, la poitrine, le poumon. Le méridien des reins traverse aussi la poitrine et la gorge. P 7 (Lie Que) disperse le vent, diffuse le poumon, assouplit la gorge. Rn 6 (Zhao Hai) nourrit le Yin, abaisse le feu (Vide), assouplit la gorge. Ainsi, P 7 (Lie Que) et Rn 6 (Zhao Hai), lorsqu’ils sont associés, l’un régularisant le Ren Mai, l’autre le méridien des reins, traitent les déséquilibres du poumon, de la poitrine, du diaphragme et de la gorge. Cette association est particulièrement réputée pour traiter les inflammations chroniques de la gorge dues à un vide du Yin du poumon et des reins avec sécheresse de la gorge. Par extension, elle est utilisée pour assouplir la gorge et traiter le Mei He Qi. Pour cela le Zhen Jiu Jin Fang (Formule d’acupuncture et de moxibustion en or) recommande de l’associer à RM 22 (Tian Tu) qui localement renforce l’action générale des deux premiers points.

P 9
(Tai Yuan)

Encore une fois pour les points du méridien du poumon, nous voilà face à un point dont les applications psychiques sont peu utilisées de nos jours et qui pourtant l’étaient assez clairement dans des époques plus anciennes. Ce qui est prédominant dans les classiques de l’acupuncture pour P 9 (Tai Yuan) c’est que c’était un point particulièrement prescrit pour l’insomnie. Même si parfois on le retrouve dans des formules de points qui soignent d’autres maladies psychiques, l’insomnie est presque toujours un des symptômes concomitants. Les autres indications anciennes de P 9 (Tai Yuan) sont la dysphorie du cœur (Xin Fan) et les psychoses (Dian Kuang). Ces idées se retrouvent aussi dans les textes des acupuncteurs du début du vingtième siècle.

P 10
(Yu Ji)

Je dois avouer que ce fut pour moi un étonnement total de voir l’importance de P 10 (Yu Ji) dans le traitement des troubles psychiques dans les classiques de l’acupuncture et le voir complètement abscent dans ce domaine dans les textes modernes. Et pourtant c’est avec P 11 (Shao Shang) probablement le point du méridien du poumon le plus utilisé pour la sphère mentale et émotionnelle. Il possède un autre nom très évocateur : Gui Xin, « cœur des démons » (ou bien cœur démoniaque). Il possède trois orientations thérapeutiques marquées. La dysphorie/agitation (Fan Zao), les psychoses (Dian Kuang) et les cinq émotions (Wu Zhi).

La dysphorie/agitation ou dysphorie du cœur (Xin Fan) semble l’indication majeure de P 10 (Yu Ji). Il est cité dans de nombreux textes clés comme le Zhen Jiu Zi Sheng Jing (Livre de l’acupuncture et de la moxibustion pour aider la vie), le Pu Ji Fang (Formulaire d’aide universelle), le Shen Ying Jing (Livre conforme au divin), le Zhen Jiu Da Cheng (Compendium de l’acupuncture et de la moxibustion), le Zhen Jiu Quan Sheng (L’acupuncture et la moxibustion totalement vivante) et le Zhen Jiu Ji Cheng (Synthèse de l’acupuncture et de la moxibustion).

Il est également largement mentionné dans les classiques pour traiter les psychoses. Par exemple dans le Zhen Jiu Jia Yi Jing (Livre de l’ABC de l’acupuncture et de la moxibustion), il est indiqué pour les psychoses Kuang avec colère et tristesse. Dans le Qian Jin Yao Fang (Prescriptions majeures de milles onces d’or), il est désigné pour les psychoses avec paroles démentes, etc.

Mais le plus remarquable est son action sur les émotions. A part les soucis qui sont que très rarement évoqués dans les textes anciens, P 10 (Yu Ji) traite toutes les émotions fondamentales de la médecine chinoise. Ainsi par exemple, selon le Shen Ying Jing (Livre conforme au divin), il est indiqué pour la tristesse avec peur, associé à C 7 (Shen Men) et EC 7 (Da Ling), selon le Zhen Jiu Da Cheng (Compendium de l’acupuncture et de la moxibustion), il est prescrit pour joie, rires et chants sans raison, associé à GI 5 (Yang Xi), GI 4 (He Gu), C 7 (Shen Men), EC 7 (Da Ling), P 7 (Lie Que), EC 8 (Lao Gong), Rn 7 (Fu Liu) et V 13 (Fei Shu), selon le Zhen Jiu Jia Yi Jing (Livre de l’ABC de l’acupuncture et de la moxibustion), il est utile pour une colère qui déclenche une psychose Kuang, selon, le Zhen Jiu Quan Sheng (L’acupuncture et la moxibustion totalement vivante), il est employé pour la peur et la frayeur, associé à EC 3 (Qu Ze), TF 10 (Tian Jing), C 4 (Ling Dao), C 7 (Shen Men), EC 7 (Da Ling), F 2 (Xing Jian), TF 2 (Ye Men), C 9 (Shao Chong), DM 20 (Bai Hui), E 45 (Li Dui), Rn 20 (Tong Gu), RM 15 (Jiu Wei) et F 13 (Zhang Men).

L’ensemble de ces indications et possibilités fait de P 10 (Yu Ji) un grand point psychique malheureusement mal connu à notre époque.

P 11
(Shao Shang)

P 11 (Shao Shang) est Gui Xin, « démon véridique », le deuxième point Gui de Sun Si Miao. Comme tout point Gui il a une action puissante pour les maladies psychiatriques. Mais comme il s’agit d’un point Jing-Puits, son action est plutôt orientée majoritairement vers la plénitude, l’aigu, l’urgence. Ainsi, il possède trois orientations thérapeutiques psychiques marquées. P 11 (Shao Shang) est particulièrement indiqué pour :

    * Les maladies psychiatriques avec crises : psychose (Kuang), psychose dépressive (Dian), hystérie, accès maniaques, psychose maniaco-dépressive... mais aussi convulsions cloniques, épilepsie. Sun Si Miao traite ces différents désordres avec ses fameux treize points Gui .

    * La dysphorie/agitation qui semble l’indication psychique la plus citée de P 11 (Shao Shang) dans les classiques de l’acupuncture. Par exemple, le Zhen Jiu Da Cheng (Compendium de l’acupuncture et de la moxibustion) indique la combinaison suivante : P 11 (Shao Shang), P 7 (Lie Que), Rt 9 (Yin Ling Quan), EC 6 (Nei Guan), C 7 (Shen Men), GI 5 (Yang Xi), P 10 (Yu Ji), IG 4 (Wan Gu), E 41 (Jie Xi), Rt 4 (Gong Sun), Rt 3 (Tai Bai), V 67 (Zhi Yin).

    * La baisse des facultés intellectuelles (démence - Chi Dai). Par exemple, le Shen Ying Jing (Livre conforme au divin) propose la célèbre association : C 7 (Shen Men), P 11 (Shao Shang), Rn 1 (Yong Quan), V 15 (Xin Shu).

Dans les trois cas, P 11 (Shao Shang) est souvent saigné (mais pas obligatoirement), selon les deux principes thérapeutiques traditionnels : “laisser échapper le sang pour ouvrir l’occlusion” (Xie Xue Kai Bi) et “drainer la chaleur [en faisant] sortir le sang” (Xie Re Chu Xue). Car P 11 (Shao Shang) est plus particulièrement adapté en cas de stagnation ou de chaleur plénitude.

Enfin, il est à noter que P 11 (Shao Shang) constitue avec Rt 1 (Yin Bai) une formule spéciale intitulée Gui Yan (littéralement les « yeux du démon »). En effet ces deux points sont deux points Gui de Sun Si Miao [et avec DM 26 (Ren Zhong) probablement ceux qui sont les plus utilisés en psychiatrie] et sont localisés symétriquement à l’angle interne du gros orteil et du pouce formant ainsi les quatre yeux du démon… Cette association a été utilisée notamment pour traiter les psychoses (Dian Kuang) et la baisse des facultés intellectuelles (Chi Dai).

A mon sens, l’intérêt de cet article est de souligner plusieurs faits essentiels :

  •     La médecine chinoise est une médecine traditionnelle ! Elle s’appuie sur les textes anciens qui sont les références absolues en la matière, condamnant ainsi les dérives et délires intellectuels de bons nombres d’auteurs et enseignants anglais et français. J’espère que les générations à venir seront attentives à ne pas reproduire les mêmes erreurs. Il ne faut pas réinventer la médecine chinoise, il faut la découvrir, l’étudier telle qu’elle est.
  •     L’étude de l’acupuncture à travers les grands classiques bien que très complexe est une voie de recherche fantastique et prometteuse qui permettra sans aucun doute d’augmenter considérablement nos connaissances et nos compétences. Elle permet une vision plus « méridien » qui à mon sens est la voie royale de l’acupuncture.
  •     Les troubles psychiques sont une indication majeure de l’acupuncture. Pour une vision plus globale, nous avons intérêt à combiner l’approche contemporaine et antique de cet art thérapeutique, tout en s’appuyant sur les textes chinois et en refusant d’inventer de belles théories personnelles.

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