La médecine chinoise classique va révolutionner votre pratique - Partie 2

Dans Théories fondamentales Dans Phytothérapie chinoise

Partie 2

Après plus de 20 ans d’études, de recherches, d’applications cliniques, d’expérimentation de différents styles médicaux, je peux affirmer qu’il existe des méthodes plus efficaces que d’autres pour soigner les gens qui souffrent. Il est certain que l’œuvre de Zhāng Zhòng Jǐng est l’outil le plus performant de la médecine chinoise, tant pour diagnostiquer que pour traiter nos patients. J’ai eu la chance de rencontrer des experts uniques qui m’ont appris à pratiquer un style qui est méthodique, organisé, logique et relativement facile à mettre en application. Cet article vise à évoquer quelques caractéristiques de ce courant médical qui m’a permis d’atteindre de bien plus grandes compétences et performances cliniques.

 

Les influences historiques de Zhāng Zhòng Jǐng

L’œuvre de Zhāng Zhòng Jǐng n’est pas basé sur le Nèi Jīng (Classique interne), en tout cas pas sur la manière dont le Nèi Jīng (Classique interne) décrit les 6 niveaux. Il est fondé sur le Tāng Yè Jīng 汤液经 (Le classique des décoctions) ou encore appelé Tāng Yè Jīng Fǎ 汤液经法 (La méthode du classique des décoctions), un des premiers textes médicaux de l’époque Han et écrit par le fameux Yī Yǐn (伊尹). Ce dernier texte, sans doute antérieur à une grande partie du Nèi Jīng (Classique interne) s’appuie sur les 8 principes (bā gāng 八纲) et se positionne dans la lignée du Shén Nóng Běn Cǎo Jīng (La matière médicale de Shen Nong) qui lui aussi est principalement construit sur les 8 principes. Ces deux textes sont l’influence de Zhāng Zhòng Jǐng et non pas le Nèi Jīng (Classique interne). Ce point de vue est conforté par des découvertes archéologiques et par un mouvement d’intellectuels qui se développa sous les dynasties Ming et Qing que l’on pourrait traduire par « apprentissage par les évidences ».

Une des conclusions de ces recherches est que de nombreux enseignements majeurs, de nombreuses prescriptions essentielles de l’œuvre de Zhāng Zhòng Jǐng se retrouvent, sous un autre nom, dans le Tāng Yè Jīng Fǎ 汤液经法. Il s’agit de formules ayant un nom taoïsant. Par exemple Xiǎo Yáng Dàn Tāng 小阳旦汤 (Petite décoction de l’aurore yáng) est similaire à Guì Zhī Tāng 桂枝汤 (Décoction de Ramulus Cinnamomi Cassiae), Xiǎo Yīn Dàn Tāng 小阴旦汤 (Petite décoction de l’aurore yīn) est équivalente à Huáng Qín Tāng 黄芩汤 (Décoction de Radix Scutellariae Baicalensis), Dà Yīn Dàn Tāng 大阴旦汤 (Grande décoction de l’aurore yīn) est identique à Xiǎo Chái Hú Tāng 小柴胡汤 (Petite décoction de Radix Bupleuri), Xiǎo Bái Hǔ Tāng 小白虎汤 (Petite décoction du tigre blanc) est semblable à Bái Hǔ Tāng 白虎汤 (Décoction du tigre blanc), Dà Bái Hǔ Tāng 大白虎汤 (Grande décoction du tigre blanc) est pareil à Zhú Yè Shí Gāo Tāng 竹叶石膏汤 (Décoction de Folium Phyllostachys Nigrae et de Gypsum Fibrosum), Xuán Wǔ Tāng 玄武汤 (Décoction du guerrier osbcur) est similaire à Zhēn Wǔ Tāng 真武汤 (Décoction du guerrier véritable), etc. Les exemples sont nombreux.

Le fameux médecin alchimiste Táo Hóng Jǐng 弘景 explique que Zhāng Zhòng Jǐng ne reprit pas les noms taoïsants du Tāng Yè Jīng Fǎ 汤液经法 car il préféra favoriser plutôt la reconnaissance des substances médicinales dans le titre des prescriptions. Guì Zhī Tāng 桂枝汤 (Décoction de Ramulus Cinnamomi Cassiae) est plus évocateur que Xiǎo Yīn Dàn Tāng 小阴旦汤 (Petite décoction de l’aurore yīn) pour le médecin et le pharmacien. Pour Táo Hóng Jǐng, c’est un fait avéré que l’œuvre de Zhāng Zhòng Jǐng s’est largement inspiré du savoir clinique des époques antérieures résumé dans le Tāng Yè Jīng Fǎ 汤液经法, en y apportant d’importants ajouts qui rendit d’autant plus puissante cette approche médicale. En outre, dans un ouvrage médical trouver dans l’une des tombes funéraires de Mǎ Wáng Duī 马王堆 qui fut écrit avant le Nèi Jīng (Classique interne), on y trouve des enseignements directement empruntés dans le Shāng Hán Lùn (Traité des lésions du froid). C’est une nouvelle preuve que Zhāng Zhòng Jǐng est influencé par un savoir antérieur à celui du Nèi Jīng (Classique interne).

Ceci a son importance car selon d’autres spécialistes du Shāng Hán Lùn (Traité des lésions du froid), l’œuvre de Zhāng Zhòng Jǐng dérive du Nèi Jīng (Classique interne) qui est plutôt orienté vers la différenciation des syndromes des zàng fǔ et des canaux (méridiens), alors que le Shén Nóng Běn Cǎo Jīng (La matière médicale de Shen Nong) et le Tāng Yè Jīng Fǎ 汤液经法 (La méthode du classique des décoctions) sont orientés vers la différenciation des syndromes selon les 8 principes.

D’après de recherches récentes faites par Yáng Zhāo Yì 杨昭义 et Qián Chāo Chén 钱超尘, le texte qui dans la préface du Shāng Hán Lùn (Traité des lésions du froid) dit qu’il se base sur le Sù Wèn et d’autres textes comme le Nán Jīng (Classique des difficultés) fut ajouté par d’autres auteurs postérieurs à Zhāng Zhòng Jǐng. C’est ce malheureux ajout qui a amené certains commentateurs à développer une explication du Shāng Hán Lùn (Traité des lésions du froid) à travers les théories du Nèi Jīng (Classique interne). Il est donc fort probable que ceux qui étudient l’œuvre de Zhāng Zhòng Jǐng à travers le Zhù Jiě Shāng Hán Lùn 注解伤寒论 (Commentaires sur le traité des lésions du froid) écrit en 1144 par Chéng Wú Jǐ 成无己 qui fut le premier vrai commentateur de cette œuvre maîtresse en s’appuyant sur les enseignements du Nèi Jīng (Classique interne) et du Nán Jīng (Classique des difficultés), se trompent de voie.

Historiquement, le courant médical des « prescriptions classiques » (jīng fāng 经方), provient de la période Shén Nóng du nom de l’une des divinités civilisatrices de la Chine antique appelé le divin agriculteur ou divin paysan (Shén Nóng 神农) qui se situe entre la dynastie Shang et la dynastie Qin, c’est-à-dire entre environ 1600 et 200 ans av. j.c. Durant cette longue période d’accumulation d’expérience, on utilisait comme dans le Shén Nóng Běn Cǎo Jīng (La matière médicale de Shen Nong) les plantes seules pour traiter les pathologies. Ensuite, dans les derniers siècles de cette période, on commença à combiner plusieurs substances médicinales pour soigner comme dans le Tāng Yè Jīng Fǎ 汤液经法 (La méthode du classique des décoctions) avec l’aide des 8 principes (bā gāng 八纲), tout en continuant d’utiliser des plantes seules.

Sous les Han (200 avant et après j.c.), Zhāng Zhòng Jǐng continua à développer cette lignée médicale en utilisant les propriétés des substances médicinales telles qu’elles sont présentées dans le Shén Nóng Běn Cǎo Jīng (La matière médicale de Shen Nong) et la différenciation des syndromes selon les 8 principes comme dans le Tāng Yè Jīng Fǎ 汤液经法 (La méthode du classique des décoctions) en ajoutant le concept de maladies mi-externe, mi-interne et de très nombreuses prescriptions qui correspondent à autant de syndromes.

Certains experts considèrent que Zhāng Zhòng Jǐng créa la méthode des 6 systèmes pour organiser, classifier les traitements de phytothérapie de son époque. D’une certaine manière, il mit de l’ordre dans un savoir ancestral de cette époque qui était déjà rapporté dans le Shén Nóng Běn Cǎo Jīng (La matière médicale de Shen Nong) et le Tāng Yè Jīng Fǎ 汤液经法 (La méthode du classique des décoctions). Zhāng Zhòng Jǐng n’a fait que prolonger et compléter la tradition des prescriptions classiques (jīng fāng 经方) initiée par ces deux textes fondateurs.

Mauvaise interprétation de l’œuvre de Zhāng Zhòng Jǐng

De tout temps de nombreux médecins sont passés à côté du message et de l’utilité de ce traité, en transmettant des idées erronées à son sujet rendant de plus en plus compliqué son étude. Le nom Shāng Hán Lùn (Traité des lésions du froid) a même fit croire à de nombreux praticiens que cet ouvrage était uniquement utilisable pour des fièvres induites par le froid externe. Alors qu’en réalité l’œuvre de Zhāng Zhòng Jǐng a était écrite pour répondre à des pathologies externes et internes, de type vide ou plénitude, de froid ou de chaleur, aigues ou chroniques, pour toute sortes de maladies y compris celles qui ne sont pas classifiées dans la nosologie chinoise et occidentale. Ainsi, beaucoup d’experts ont eu un avis étroit et erroné sur ce monument de la médecine chinoise. Certains spécialistes pensent que dans l’œuvre de Zhāng Zhòng Jǐng le terme « lésion du froid (shāng hán 伤寒) » est en rapport avec des maladies qui se manifeste par de la chaleur. Il ne s’agit donc pas spécialement de vent froid ou de froid externe. Donc comble du comble, le nom donne l’impression que ce traité présente le traitement pour un froid externe alors qu’il est plus en rapport avec les maladies fébriles. En fait, pour bien comprendre et utiliser les théories de ce courant médical, il faut oublier les concepts de vent, de froid, de chaleur. Dans le Shāng Hán Lùn (Traité des lésions du froid), en réalité on ne parle pas de facteurs pathogènes comme vent, froid, humidité, chaleur, sècheresse, canicule, mais on parle de symptômes. On s’appuie sur les symptômes pour diagnostiquer, pour décrire des syndromes qui sont en rapport avec des prescriptions. En clair, chaque prescription correspond à une situation pathologique précise que l’on nomme syndrome.

6 systèmes et non pas 6 méridiens !

Comme je l’ai expliqué dans la 1ère partie de cette chronique, personne ne sait ce qu’a voulu dire Zhāng Zhòng Jǐng il y a 2000 ans. On peut, au mieux, avoir une interprétation plus ou moins pertinente.  Certains experts ont consacré l’ensemble de leur vie à rechercher la signification profonde de chaque phrase, de chaque mot dans le Shāng Hán Lùn (Traité des lésions du froid) et le Jīn Guì Yào Luè (Précis du coffre d’or) permettant une utilisation clinique efficace voire prodigieuse de ce concentré de sagesse médicale.

On évoque souvent les « 6 méridiens », c’est-à-dire liù jīng 六经 pour parler des « six aspects pathologiques » décrit par Zhāng Zhòng Jǐng. D’abord, il faut savoir que jamais cette expression n’est évoquée dans le Shāng Hán Lùn (Traité des lésions du froid) et le Jīn Guì Yào Luè (Précis du coffre d’or). Elle fait écho à tài yáng 太阳, shào yáng 少阳, yáng míng 阳明, shào yīn 少阴, tài yīn 太阴,  jué yīn 厥阴. Or, rien dans ces textes ne permet de dire qu’ils sont en rapport avec des méridiens. Donc, il est déjà erroné d’associer ces 6 éléments à 6 méridiens. Si on se contente d’avoir une lecture attentive des textes, on peut comprendre que l’on parle de 6 univers physiologiques, de 6 univers pathologiques, de 6 systèmes. Zhāng Zhòng Jǐng parle parfois clairement des méridiens (que je préfère traduire par canaux) dans certaines descriptions de pathologie comme il évoquerait la partie d’un corps (tête, abdomen, membres, méridiens, etc.). Mais rien ne permet de dire que tài yáng, shào yáng, yáng míng, shào yīn, tài yīn,  jué yīn sont des méridiens.

Enfin, il faut comprendre que dans la langue chinoise, tous les idéogrammes ont plusieurs significations, parfois très nombreuses et qu’elles ont changées au cours des siècles. Parfois même, un caractère possède un sens particulier dans une seule œuvre majeure. Dans le Grand dictionnaire Ricci, 经 n’a pas moins de 15 significations distinctes dont Chaîne d’un tissue, Méridien (longitude), Règle constant, Menstruation, Livre canonique, Sûtra (bouddhique), Prière récitée, Passer par (traverser), Faire un tracé (mesurer), Calculer, Gouverner, Pratiquer, Étrangler, Pichet à vin, etc. Et certains experts pensent que dans l’œuvre de Zhāng, jīng 经, quand on l’associe à tài yáng, shào yáng, yáng míng, shào yīn, tài yīn,  jué yīn, décrit des univers physiologiques, associés bien évidement à des pathologiques spécifiques. C’est pourquoi, il est préférable de parler de « 6 systèmes » et non pas 6 méridiens, expression maladroite qui nous oriente vers l’idée que Zhāng Zhòng Jǐng parle de la pathologie de 6 méridiens, ce qui n’est pas le cas. Comme je l’ai souligné dans la 1ère partie de cette chronique, le Shāng Hán Zá Bìng Lùn 伤寒杂病论 (Traité des lésions du froid et des maladies diverses) appartient à un courant médical distinct du Nèi Jīng (Classique interne) qui ne se base pas sur la description physiologique ou pathologique des méridiens et des organes zàng fǔ.

A suivre…

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