L’œdème de la jardinière - La puissance des prescriptions classiques (jīng fāng 经方)


Une ode aux pre
scriptions classiques et
à ceux et celles qui les perpétuent


Par Pascale Richalet


Présentation de l’auteure :

Pascale est diplômée en pharmacopée chinoise. Elle a suivi plusieurs formations dispensées par Philippe Sionneau : « Formation Supérieure en Pharmacopée Chinoise (jīng fāng 经方) » (2021-2022), « Comment prescrire la pharmacopée Chinoise » (2022-2023), « Les poudres concentrées de la pharmacopée chinoise (CP) » (2022), « Accompagner les effets secondaires de la chimiothérapie et de la radiothérapie avec la médecine chinoise » (2021), « Les plantes majeures de la pharmacopée chinoise » (2022-2023). Elle est aussi diplômée de la « East West School of Planetary Herbology » (2018-2021) fondée par Michael Tierra, en Californie. Armée d’un doctorat en biophysique, elle est consultante scientifique pour les compagnies pharmaceutiques et les biotechs, et est établie dans le Nord-Est des Etats-Unis près de Portland dans le Maine. Polyvalente, elle offre aussi des consultations basées sur les prescriptions classiques (jīng fāng 经方) à sa famille et communauté, localement en personne, mais aussi au Canada et en France, par visioconférence.

Note personnelle de l’auteure :

Attention ! L’aventure décrite ci-dessous n’est pas une incitation à ignorer la médecine allopathique ou à la remplacer. Utilisez votre bon sens pour approcher ce genre de situation qui pourrait vous mettre en danger !

Je ne vous propose pas un article scientifique ou littéraire mais le récit spontané d’une aventure qui me confirme que les prescriptions classiques (jīng fāng 经方) sont un bienfait pour l’humanité. Commençons…

Le début de l’histoire…

Je suis en train de remettre à l’état sauvage un jardin sur les côtes du Maine dans le Nord Est des Etats-Unis. J’y plante patiemment toute sorte d’espèces natives, buissons, arbustes, herbes médicinales, etc. Le sol est très pauvre et je travaille avec une ferme locale qui me fournit en terreau. En bref, je creuse un trou d’1 m², j’enlève le sable et les graviers, j’y mets du terreau, je plante, je recouvre avec du terreau, j’arrose, et je recommence, en protégeant le tout des cervidés voraces car j’habite en bordure de forêt.

En fin de journée dimanche, après avoir ôté mes gants et rangé mes outils, je décide d’enlever rapidement des rejets de plantes ornementales pas en forme le long de la maison pour gagner du temps le lendemain. J’arrache de bon cœur et boom : je mets la main dans un nid de Vespula maculifrons (petits frelons locaux de 1cm qui logent dans le sol). J’ai de la chance ! Seulement deux piqûres, une sur l’index droit, l’autre sur le genou gauche. Mais ça brûle fort ! Je cherche des feuilles de plantain que je mâchouille, j’applique l’emplâtre, mais je me rends rapidement compte que ce n’est pas suffisant…

Il fait super chaud et humide. La maison est plus fraîche, mais c’est bien chaud quand même. Je vaque à mes occupations en essayant d’ignorer la douleur vive qui s’étend, mais au bout de 10 minutes, ma main droite double de volume. C’est induré et ça fait mal. J’essaye d’enlever mes bagues sur la main gauche et j’ai du mal (donc ça enfle un peu partout). Je décide de nourrir mes chats malgré tout (ils ont aussi leurs formules chinoises personnelles !). Ils miaulent fort comme d’habitude et je m’énerve (ce n’est pas mon style : serait-ce de la dysphorie ?). J’ai mal à la tête temporairement. Je prends beaucoup plus de temps pour tout faire et progressivement, je me rends compte qu’un prurit c’est développé sur tout le corps. Je me suis fait piquer par des moustiques et les piqûres sont exacerbées et toute rouges. Je me gratte de partout et même sur le cuir chevelu. J’ai l’impression que quelque chose essaye de sortir de dessous la peau (bonjour alien !). J’ai du mal à respirer, mon cou est un peu gonflé, mes seins sont très gonflés et douloureux à la pression (j’ai 58 ans et je suis ménopausée depuis plusieurs années). J’ai mal aux articulations des mains, poignets, coudes, et au genou gauche. Les articulations sont « gelées ». La main droite est épaisse, pataude et ankylosée. J’ai du mal à respirer et j’ai un poing très douloureux dans le dos. Je ressens une douleur en 3D exactement au niveau et le long de la plèvre (comme si j’étais l’illustration d’un livre de médecine !). Et là, je panique un peu et pense quand même aux services d’urgences…

Mais on est dimanche soir. Je n’ai vraiment pas envie de passer la soirée à l’hôpital. Une de mes filles vient à la rescousse et me propose de m’emmener, et en attendant son arrivée, de tremper ma main dans de l’eau glacée. C’est chaud et rouge, ça fait sens, j’obtempère et boom ! Je suis soudainement glacée jusqu’aux os.  Je déteste sentir ce froid glaçant et je retire ma main rapidement. Commencent alors des frissons. En plus, je suis pâle mais mes joues sont rouges. Je me sens fiévreuse. Il fait 28C dans la maison et j’ai super froid. Je ne crains pas le ventilateur (pensez grosses palles qui tournent au plafond, comme dans les films américains) qui me gênent beaucoup d’habitude. Soudainement, je pense à Má Huáng 麻黄 (Herba Ephedrae) et je me souviens que je suis une praticienne de Médecine Chinoise Classique (!!!). Je ne transpire pas du tout. Je me dis que c’est ce qu’on ressent quand les còu lǐ 腠理 (les pores de la peau) sont bloqués : pas agréable comme sensation ! Les principaux symptômes sont donc : Œdème, douleur des articulations, douleurs musculaires généralisées, pas de transpiration, sensation fiévreuse, frissons. Tout fait soudain sens ! J’ouvre mon ordinateur et je tape de la main gauche seulement, et je vérifie quand même dans mes formules s’il n’y a rien d’autre que Má Huáng Tāng 麻黄汤 (Décoction de Herba Ephedrae) qui pourrait aller…

Il faut vous dire que je stocke chez moi, sous vide et au frais, des formules de base (herbes complètes et aussi poudres concentrées en formules et en simples) à combiner en cas de gǎn mào 感冒 dans ma communauté (il y a un regain de COVID récemment). J’ai donc quelques paquets de Má Huáng Tāng 麻黄汤 à ma disposition. Je dois préciser que Má Huáng 麻黄 (Herba Ephedrae) est accessible ici aux USA en plante entière, s’il est mélangé à d’autres plantes). Le stress retombe un peu et je reprends contrôle de la situation. Je pense ENFIN à prendre mon pouls (!!!) : 68 battements par minute, et je ne ressens presque rien à gauche du côté opposé de la piqûre ! Il est très profond. Je pense que c’était un pouls caché (fú 伏). En revanche, il est clairement flottant (fú 浮) à droite du côté de la piqûre. Je suis en train de vivre mon premier syndrome tài yáng shāng hán (太阳伤寒) !!!

C’est décidé, je prépare Má Huáng Tāng 麻黄汤 (Décoction de Herba Ephedrae). Je suis un peu pressée bien sûr. Je trempe un paquet dans 500ml d’eau chaude pendant 10 minutes (au lieu de 30 minutes). Je fais cuire à feu doux pendant 15 minutes (ça bout quand même un peu fort à un moment, je ne suis pas à 100% de mes capacités). Je n’ai pas soif mais je bois un peu d’eau chaude, emballée dans un pull à col roulé d’hiver, en attendant que la formule soit prête. Il est 18h30, et je me suis fait piquer à 17h.

Je bois la moitié de la formule en ajoutant un peu d’eau car ça s’est bien évaporé. Je pense que du coup, ce n’était pas assez chaud. Je suis en famille et je reste dans un fauteuil au lieu d’aller au lit sous les couvertures. Je ne transpire pas, mais la douleur généralisée, la douleur de la main et le stress sont très réduits au bout de 30 minutes. J’ai aussi beaucoup moins froid. Je ne me gratte plus du tout. La dyspnée a disparu, mais j’ai quand même encore un poing dans le dos qui me gêne (mais moins).

Je reprends le reste de la formule bien chaude vers 23h avant de me coucher. Je m’allonge, j’ai de nouveau froid. Je mets des couvertures d’hiver, que je double bien qu’il fasse toujours 28 dans la chambre. J’ai un peu de palpitation cardiaques que j’attribue à Má Huáng 麻黄 comme si j’avais bu du café avant de me coucher. Je me réveille à 1h30 du matin en transpiration mais pas au point de changer les draps. Et là, je constate que l’œdème de la main est très réduit, la mobilité des doigts est retrouvée, je ne suis plus ankylosée, plus de douleurs articulaires, plus de poing dans le dos. Je n’ai plus froid et je finis la nuit paisiblement avec un simple drap.

Au matin, environ 12h après piqûre, la crainte du froid est remplacée par une crainte du vent (je retrouve mon aversion pour mon ventilateur de plafond), il y a une légère transpiration, un œdème léger au niveau des orteils et de la main droite. L’œdème et la douleur (modérée) de la main reviennent quand je me mets en mouvement, ainsi qu’un prurit, mais uniquement sur la main droite. L’œdème n’est pas aussi solide/épais que la veille. Les douleurs généralisées ont disparu mais je me sens tendue et contractée sur tout le dos. Je prends mon pouls : il est petit (cù 促) des deux côtés, signe typique d’une lésion du tài yáng 太阳 selon le Shāng Hán Lùn (Traité des lésions du froid). Mon tài yáng shāng hán 太阳伤寒) s’est transformé en tài yáng zhòng fēng (太阳中风). Les seins sont toujours assez enflés et douloureux à la pression. La langue est pâle avec un enduit blanc et humide, avec la marque des dents. J’ai un terrain tài yīn/tài yáng (avec un peu de yáng míng). J’ai à ma disposition Guì Zhī Tāng 桂枝汤 (Décoction de Ramulus Cinnamomi Cassiae) en poudre concentrée pour mon tài yáng zhòng fēng. Dans mes simples (en poudre concentrée), je trouve Fáng Fēng 防风 (Radix Saposhnikoviae Divaricatae) (remède tài yáng) qui devrait m’aider pour la douleur et le prurit, Gé Gēn 葛根 (Radix Puerariae) (remède tài yáng) pour libérer les muscles du dos, ainsi que Bái Zhú 白术 (Rhizoma Atractylodis Macrocephalae) et Fú Líng 茯苓 (Sclerotium Poriae Cocos) (remèdes tài yīn) pour aider éliminer les restes d’œdème par les urines. Je ne constate pas vraiment de yáng míng dans mes symptômes, mais je me dis qu’un petit gruau de Yì Yǐ Rén 薏苡仁 (Semen Coicis Lacryma-jobi) pourrait aussi aider à faire s’écouler l’humidité. Je vois bien qu’il faudrait le prendre sur une longue période pour que ça fasse de l’effet, mais j’essaye quand même.

Le nouveau traitement est alors en poudres concentrées (2 fois par jour) :

  • Guì Zhī Tāng 桂枝汤 (Décoction de Ramulus Cinnamomi Cassiae) 5g
  • Fáng Fēng 防风 (Radix Saposhnikoviae Divaricatae) 1g
  • Gé Gēn 葛根 (Radix Puerariae) 1g
  • Bái Zhú 白术 (Rhizoma Atractylodis Macrocephalae) 1g
  • Fú Líng 茯苓 (Sclerotium Poriae Cocos) 1g
  • + Yì Yǐ Rén 薏苡仁 (Semen Coicis Lacryma-jobi) en gruau : 30g (aussi 2 fois par jour)

Je suis en forme, je prends mon petit déjeuner 30 min après la formule, et je retourne travailler dans le jardin avec mes abeilles, mes oiseaux, papillons et libellules et je transpire sous le soleil. Je m’hydrate correctement et je mets des gants, en évitant le nid de frelons qui, en lui-même, signe le succès de mon opération « encouragement » de mon jardin !

Vers 11h, je rentre me doucher et tous les symptômes de la veille ont totalement disparu. En soirée, tout est normal mais mon pouls est toujours petit (cù 促), signe qu’il reste encore un peu de pervers sur tài yáng. Je reprends une dose de la formule avant de me coucher pour renforcer les résultats.

Si je prends le biais de la médecine allopathique, je crois que les prescriptions classiques (jīng fāng 经方) m’ont aidé à résoudre un œdème de Quincke en moins de 18h... Ça aurait peut-être pris une autre tournure avec une piqûre dans le cou par exemple. Et je vais certainement me balader avec un EpiPen à partir de maintenant, au cas où… J’ai eu de la chance cette fois-ci, d’avoir Má Huáng Tāng 麻黄汤 (Décoction de Herba Ephedrae) à ma disposition, et d’avoir pu attendre de la préparer sans être trop indisposée.

Grâce à cette aventure, j’ai pu vivre en direct, dans mon corps, la puissance et la pertinence des prescriptions classiques (jīng fāng 经方). Merci à Hú Xī Shù (胡希恕), Féng Shì Lún (冯世纶) et Philippe Sionneau (施欧乐) pour tous leurs efforts à propager la remarquable approche de Zhāng Zhòng Jǐng 张仲景.

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